Le livre de Christopher Dell nous permet de nous initier aux différents aspects de l’Histoire de la magie. L’ouvrage dresse ainsi un parcours chronologique accompagné de chapitres biographiques ou thématiques.
L’introduction revient aux origines des mots. Pour l’auteur la magie est la « tentative de modifier les divers aspects de l’existence grâce à des méthodes non fondées sur la science et, habituellement, sans référence divine ». Ce terme, dérivé sans doute des magi, disciples de Zoroastre, recoupe des pratiques très anciennes. L’archéologue Henri Breuil mentionne l’existence de représentations de « chasses magiques » sur les murs des grottes préhistoriques. L’Histoire de la magie serait donc liée à l’Histoire de l’humanité. Les plus anciennes traces d’incantations remontent aux IVe et Ve siècles avant notre ère chez les Sumériens. Les premières formules magiques auraient été posées par écrit vers – 2600. L’astrologie serait née en Mésopotamie au IIe millénaire avant notre ère avant de se répandre en Chine, Égypte, Inde, Grèce…
La magie se retrouve dans toutes les civilisations et sous différentes formes. Chez les Égyptiens de l’antiquité, Thot, au-delà de son rôle de scribe divin, avait également les attributs de la magie, de la sagesse. Le Livre des Morts mentionne des sorts pour aider le défunt à passer le jugement de la pesée des âmes. Ainsi, Thot est plus tard associé à Hermès au cours des conquêtes d’Alexandre le Grand. Sa ville Khmun devient Hermopolis Magna entre le IVe et Ier siècles avant notre ère. Il est ensuite relié aux écrits hermétiques. De même, le Livre de Thot, dont la première mention remonte à l’époque ptolémaïque, recense des sorts pour parler aux animaux et voir les dieux. Ces écrits sont repris au XIXe siècle.
Avec la conversion au christianisme puis sa domination sur l’Europe, la magie devient l’objet du diable. Les mentions de phénomènes magiques dans la Bible se terminent toujours par l’échec de celui qui y a recours ou par la victoire de la religion. Ainsi Daniel aide à interpréter les rêves de Nabuchodonosor (Daniel 2). Le personnage de Salomon prend une dimension particulière associé à plusieurs symboles et écrits plus tardifs.
La religion chrétienne n’est pas la seule à réprouver les actes magiques. En 13 avant notre ère, l’empereur Auguste a ordonné de brûler près de 2000 rouleaux magiques d’après Suétone. Des astrologues et magiciens sont bannis de Rome. Tibère, lui, en fait exécuter plus d’une centaine.
L’origine des mots est aussi intéressante. Ainsi la grammaire tire son origine du grimoire alors que le célèbre abracadabra viendrait de l’araméen « Je crée comme je parle », utilisé dans un livre du IIIe siècle avant notre ère contre la malaria.
L’auteur se prête également à un voyage géographique. Ainsi, avant d’entrer dans le Moyen Âge, il relate quelques aspects des pratiques nordiques (les druides dont le gui n’est mentionné que chez Pline l’Ancien), scandinaves et germaniques (nains, dragons, runes et sigils)… Les documents y sont moins nombreux et disparaissent avec la christianisation. Plusieurs pages sont bien sûr consacrées à Merlin et la fée Morgane.
Au Moyen Âge, malgré les interdictions, les pratiques hermétiques, associées à la kabbale et à l’alchimie connaissent un grand succès. La reine du Portugal elle-même demande la traduction du Secret des secrets (Secretum Secretorum). Cet ouvrage, dont les originaux grecs n’ont pas été retrouvés inspire Roger Bacon, moine franciscain et philosophe anglais, qui, bien que précurseur de méthodes scientifiques, se voit donner la réputation de jeteur de sorts. Les Templiers sont vus d’un mauvais œil car on leur attribue de s’être formés à la sorcellerie en orient. Dans leur Malleus Maleficarum, Marteau des Sorciers, deux inquisiteurs allemands établissent un lien entre la magie, les femmes et le diable. C’est le début des persécutions malgré la condamnation de l’ouvrage par l’Eglise en 1490, soit quatre ans après sa publication.
De nombreux personnages accompagnent cette page d’histoire : Nicolas Flamel, Johann Georg Faust (l’inspirateur du docteur Faust en 1587), Nostradamus, Matthew Hopkins (autoproclamé chasseur en chef des sorcières en 1604), John Doe (conseiller d’Élisabeth I ère)…
Le dernier procès en sorcellerie se tient à Salem en 1692-1693, aux États-Unis, et voit l’exécution de vingt personnes. C’est en 1793 que la dernière exécution pour sorcellerie a lieu en Europe, en Pologne. Ainsi le XVIIe siècle est à la fois plus rationnel et voit le retour de textes anciens : publication de l’histoire de Nicolas Flamel en 1612, début de la franc-maçonnerie, création de l’ordre de Rose-Croix par Christian Rozenkreuz qui aurait acquis des connaissances occultes au Moyen Orient, retour du Livre de Thot, utilisation du tarot pour la divination… Les pratiques magiques fascinent tout en restant interdites. En 1735, l’Angleterre punit d’escroquerie ceux qui s’adonnent à la sorcellerie. Du côté de la fascination on peut noter qu’Isaac Newton laisse à sa mort, une collection de 69 ouvrages d’alchimie. Des spectacles d’illusions projetées sur les murs grâce aux nouvelles techniques font salle comble. Anton Mesmer développe ses techniques d’hypnose. Les premiers prestidigitateurs comme Jean Eugène Robert Houdon né à Blois se lancent. En 1848, les sœurs Fox attirent les foules en prétendant entendre les esprits (grâce à des trucages). De nouvelles sociétés sont créées : Aube dorée en 1888, la Société théosophique en 1875, dont les pratiques et rituels magiques différent.
Au XXe siècle, la magie devient un sujet d’étude avec un premier ouvrage en 1925, Magie, science et religion de l’anthropologue polonais Bronislaw. Les travaux de Carlos Castaneda sur les pratiques chamaniques d’Amérique latine font débat.
L’auteur aborde également les croyances africaines, amérindiennes, asiatiques… et leurs évolutions, mêlées de syncrétisme chrétien comme dans le cas du hoodoo du Mississippi. Le vaudou ou les fétiches africains ne sont pas en reste.
Vous l’aurez compris, le propos est donc particulièrement dense. Compte tenu de la tâche que s’est fixé Christopher Dell, on est parfois surpris par certains détails comme, parfois frustrés de ne pas en avoir assez. L’ouvrage reste donc un bon aperçu pour les curieux d’autant plus qu’il est richement illustré. Et l’on peut ici remercier les éditions Ouest France pour la qualité du papier et de l’impression.