Écrire une histoire de la guerre est l’objectif ambitieux que se sont fixés les contributeurs de cet ouvrage. Histoire de la guerre et non des guerres qui ont eu lieu depuis le XIXe siècle. La guerre est ici abordée sous tous ses aspects, depuis les guerres de la période révolutionnaire jusqu’aux conflictualités actuelles. Des conflits qui quand ils concernent le monde occidental font l’objet de règles et de pratiques différentes de celles employées avec des adversaires non-occidentaux (colonisés…)

L’approche choisie est donc thématique, l’ouvrage est divisé en quatre grandes parties, chacune comprenant une introduction et d’une douzaine à une vingtaine de contributions.  Elles sont le fait d’auteurs français comme étrangers et donne un grande richesse et fraîcheur à cette étude. Chacune des contributions se termine par une bibliographie sélective commentée et des renvois vers d’autres articles de l’ouvrage ce qui permet de saisir les connections existantes et facilite la compréhension des sujets. Tandis qu’une chronologie s’étendant de la guerre d’indépendance américaine à 2018 clôt le livre.

 

La guerre moderne.

Depuis la fin du XVIIIe siècle la guerre a changé d’aspect. La capacité des États à mobiliser des armées de soldats-citoyens rend vaine la recherche de la bataille décisive ce qui finit par déboucher sur le concept de guerre totale et un rapprochement du civil et du militaire lors des conflits. Une évolution cependant remise en cause avec l’avènement de l’arme nucléaire et des nouvelles technologies comme le montre le développement des nouvelles conflictualités et guerres asymétriques à partir de la deuxième moitié du XXe siècle. On a donc une inflexion du phénomène guerrier depuis la guérilla et la guerre révolutionnaire jusqu’au terrorisme.

L’évolution de la nature de la guerre amène ainsi les auteurs à s’intéresser à des aspects classiques sur comment penser la guerre ou l’avènement de l’État guerrier. Mais la synthèse aborde aussi le coût environnemental des guerres ou l’emploi des drones et mercenaires. Les auteurs remettent en cause certaines idées reçues à l’image des travaux sur l’impérialisme britannique qui conteste le mythe d’un empire colonial qui aurait évité d’abuser de la force.

 

Mondes combattants

Le combattant est indissociable de la guerre. La seconde partie de l’’ouvrage s’intéresse donc à ceux-ci et fait apparaître leur diversité comme les similitudes de leur condition. Qu’il s’agisse du citoyen soldat masculin qui doit faire un passage obligé par la caserne à l’époque de la conscription ou bien des engagés volontaires souvent idéalisés mais aux motivations parfois plus matérielles.  Une approche et un rôle différent de celui des militaires de carrière que sont les sous-officiers et officiers.

Les combattants issus des colonies participent aux conflits mais souvent dans des conditions particulières, qu’il s’agisse de ceux mobilisés par le Royaume-Uni ou par la France tandis que le partisan pratique une guerre parfois loin de la modernité.

Femmes et enfants combattants ne sont pas oubliés. Même si le rôle réel des femmes a été longtemps occulté. Tandis que l’enfant-soldat (appellation qui englobe les adolescents…), présenté comme un  héros au XIXe siècle est devenu synonyme des horreurs de la guerre moderne. La perception de la guerre se traduit souvent par un besoin de héros. Des héros symboles d’un idéal guerrier mais qui sont désormais de plus en plus humains voire les victimes plutôt que les guerriers.

Certains soldats vont finir prisonnier, un mot qui désigne une réalité et un statut bien différent selon les époques et la nature des adversaires. Tous cependant essaient de tenir, mais comment ? L’étude du rôle des groupes primaires comme celle de la correspondance avec l’arrière nous renseigne sur les motivations et l’image qu’ils renvoient de la guerre.

 

Expériences de la guerre

C’est la partie la plus imposante de l’ouvrage, elle aborde aussi bien la question de l’expérience des combattants que celle des civils. Même si les auteurs s’accordent à mettre en évidence que depuis le XIXe siècle, l’évolution de la guerre fait que celle-ci concerne autant les seconds que les premiers.

L’expérience combattante des soldats est avant tout celle de la violence. Une violence qui marque autant les corps que les esprits et qui amène à s’interroger sur la prise en charge des blessés et le sort à réserver aux corps des défunts. La violence exercée par les soldats rend parfois difficile la perception de leurs émotions et atteint des niveaux différents selon que l’on est dans les colonies ou en Europe.

Les civils sont de plus en plus impliqués dans les guerres même si la tendance est à leur protection depuis 1945. Il n’empêche qu’ils furent longtemps ciblés, soit directement par des campagnes de bombardement qui culminent au milieu du XXe siècle, soit victimes de la faim, blocus, atrocités… Les viols apparaissent ainsi selon, les situations comme des excès individuels ou comme de véritables armes de guerre…. Des civils pour qui la fin de la guerre est symbole de déplacement massif de population comme en 1945.

 

Sorties de guerre

Une expression qui englobe des réalités très différentes selon la forme et le moment de la sortie : blessures, paix, fin d’un temps de service… Le soldat vainqueur ou le vaincu n’ont pas le même statut. Que dire de celui qui rentre chez lui alors que la guerre n’est pas encore terminée comme c’est le cas des combattants du Vietnam ou des guerres asymétriques actuelles ? Comment gérer le deuil et les souffrances endurées par tous civils comme militaires? Les auteurs d’atrocités comme leurs victimes se trouvent dans un monde en paix. Se pose alors la question des réconciliations et des jugements possibles, des crimes de la Shoah à ceux du Rwanda ou de l’ex-Yougoslavie.  Le travail sur la mémoire ou plutôt les mémoires des conflits amène à s’interroger sur l’image du vainqueur et du vaincu de Stalingrad aux confédérés.

Mais sortir de la guerre c’est aussi construire un monde nouveau porteur d’espoirs, du Congrès de Vienne aux conférences de 1945 les gouvernants s’y sont attachés. Mais on peut remarquer qu’il n’y a pas eu les mêmes préoccupations avec la fin de la guerre froide.

 

En conclusion

Un ouvrage très dense et complet qui mobilise un panel de spécialistes français et internationaux ce qui permet des approches renouvelées et diversifiées qui ne se limitent pas à notre expérience européenne de la guerre. A utiliser comme un outil pour approfondir des notions qui renvoie à de nombreuses thématiques de nos programmes.

 

Compte-rendu de François Trébosc, professeur d’histoire géographie au lycée Jean Vigo, Millau