L’organisation des manuels de la collection « Clefs concours » est connue. A une présentation du programme, de l’historiographie et des grandes grilles interprétatives du sujet, succèdent des chapitres thématiques, de taille variable, jusqu’à la partie « Outils » qui combine glossaire, chronologie, présentation des personnages clefs et, surtout, l’indispensable bibliographie.
L’introduction insiste sur le fait qu’en associant sciences et techniques, la question au programme combine deux domaines que l’historiographie a séparé. Cela ne sera pas sans poser quelques difficultés aux candidats qui doivent également se méfier des écarts entre leurs représentations de ce qu’est la science aujourd’hui et de ce qu’elle fut à l’époque moderne. Un mot peut passer les époques mais sa signification change… Quant aux bornes chronologiques, le programme embrasse toute l’époque moderne sans les décennies révolutionnaires. C’est ambitieux mais il faudra malgré tout se garder de tout séquençage mécanique entre chaque grand moment du sujet, depuis la Renaissance jusqu’aux Lumières. D’abord parce que la périodisation varie d’une science à l’autre, d’une technique à l’autre, d’un espace à l’autre. Ensuite parce que les bornes choisies sont artificielles. Ainsi, il serait bien dangereux d’envisager le XVIe siècle en rupture nette avec le Moyen Age, ou 1789 comme un couperet. Géographiquement, le programme se concentre sur le cœur de la révolution scientifique, à savoir la France, l’Angleterre, la péninsule italienne, les Pays-Bas et les Provinces-Unies. Sans doute que les puristes regretteront que certains espaces, pourtant importants pour le sujet, soient exclus mais, dans le temps restreint de la préparation aux concours, la sagesse commandait de préserver les candidats du piège de la dispersion. Maintenant, même limité, l’espace à considérer offre une palette suffisamment variée de situations pour donner du fil à retordre aux étudiants. Un tour de l’historiographie sur le sujet est réalisé en une vingtaine de pages et constitue un préalable indispensable avant tout examen approfondi. L’introduction s’achève par les principales problématiques du sujet et les écueils à éviter.
Après l’introduction, la partie « Repères » revient sur quelques ruptures marquantes qui jalonneront certainement la plupart des sujets aux écrits. Les évolutions de la Renaissance, les réorganisations scientifiques et techniques du XVIIe siècle et le tournant des Lumières permettent d’interroger le concept de « révolution scientifique ».
La très volumineuse partie « Thèmes » constitue le cœur de l’ouvrage.
Le premier thème aborde les sciences et les techniques pour elles-mêmes. Les différents systèmes de pensée et la hiérarchie disciplinaire qu’ils impliquent sont passés au crible, depuis les héritages antiques jusqu’aux paradigmes modernes. Les mathématiques, l’astronomie, l’histoire naturelle, l’alchimie, la chymie et la chimie, ainsi que la physique font l’objet de chapitres spécifiques. Un inventaire des systèmes techniques suit et aborde notamment les prolongements industriels ainsi que l’environnement juridique et culturel de l’innovation. Un intéressant chapitre sur les savoirs tacites et implicites s’intercale et rassemble pêle-mêle les savoirs cachés liés à un secret de fabrication ou les savoirs impossibles à formaliser en l’absence d’instruments de mesure, ou encore les savoirs qui ne sont pas reconnus comme tels et qui ne sont que la répétition de traditions dont les mécanismes dépassent l’entendement des exécutants. Un chapitre spécifique est consacré à la médecine. Ce premier thème se clôt sur une réflexion autour de la manière d’accréditer un savoir à l’époque moderne. Autant le dire, cette partie requiert une grande concentration du candidat qui n’est pas familier de ce type de sujet. L’usage du glossaire est très recommandé. A l’oral, on connaît le goût du jury pour les questions de vocabulaire…
Les lieux de la science et des techniques, deuxième axe de cette partie thématique, abordent successivement les lieux de formation (universités, écoles, collèges…) et de production du savoir (cours nobiliaires, académies, ateliers, laboratoires, observatoires, cabinets de curiosités, jardins botaniques…), ainsi que la place des voyages dans le progrès scientifique. La circulation des hommes, des idées et des objets, ainsi que les correspondances et périodiques savants, l’imprimerie permettent de délimiter le rayonnement du progrès et d’évoquer les espaces non savants de la sociabilité savante (cafés, salons, loges). Mais ces lieux ne signifieraient rien sans les hommes qui les traverse, d’où le portrait de ces figures de savants et de techniciens, de cette « république des sciences », ainsi que de leur audience.
Le dernier axe interroge l’inscription sociale et politique des sciences, enjeu majeur du programme. Un premier chapitre aborde les « politiques scientifiques » ou la science comme instrument de gouvernement. Un second chapitre pèse la part des mutations techniques dans la révolution militaire, sujet de recherche principal de l’un des auteurs, Benjamin Deruelle. Un troisième montre combien la science pose un nouveau regard sur le monde et les nouvelles échelles du savoir que cela implique. Puis viennent deux chapitres, attendus, sur les sciences et les religions ainsi que sur le progrès et ses contestations.
Cette partie se clôt par un chapitre devenu habituel dans la collection, c’est-à-dire une interrogation sur le genre, avec notamment un point sur quelques monopoles féminins : l’accouchement et la connaissance des plantes.
En définitive, cet ouvrage tient bien sûr ses promesses. Il est à associer à celui consacré aux documents du programme. D’un point de vue pratique, l’ouvrage n’est pas très commode d’utilisation pour l’étudiant. Il est par exemple impossible de laisser le livre ouvert pour prendre des notes. Je ne sais si l’offre existe, mais peut-être les étudiants apprécieraient-ils une version numérique.