Sources de nombreux films et d’œuvres picturales, les combats de gladiateurs fascinent le public. Les nombreuses idées reçues sur la question montrent une méconnaissance de la réalité historique. Cet ouvrage, album de l’exposition interactive à Vieux-La-Romaine, se propose de faire le tour du sujet.

1) Aux origines des jeux

Depuis l’époque mycénienne, les funérailles des grands combattants s’accompagnent de combats en armes que l’on retrouve dans l‘Iliade : Achille demande à deux valeureux guerriers, Ajax et Diomède, de prendre les armes et de s’affronter jusqu’au premier sang afin d’honorer le mort, mais aussi la Mort. Cette tradition se perpétue en Italie du Sud, dans les régions colonisées par les Grecs au VIIIe siècle. Les fresques des tombes de Paestrum révèlent des combats d’hoplites. Ces combattants font don de leur sang et de leur sueur lors des ludi funibri, des jeux funéraires, repris à Rome dès 264 BC, pour honorer les défunts des grandes familles. Puis les jeux funèbres évoluent. Des volontaires se battent dans l’arène pour ranimer l’énergie vitale de la famille, vénérant les mânes des morts pour ne pas être hantés par leurs âmes. Les combattants deviennent célèbres et les Romains abandonnent le théâtre pour courir au spectacle des combats. Ces jeux ne sont officialisés que tardivement en 105 BC. La gladiature se professionnalise, s’institutionnalise jusqu’à devenir un grand spectacle public.

2) Qui sont les gladiateurs ?

L’historien Paul Veyne insiste sur le volontariat des gladiateurs qui signent des contrats. Au Ier siècle AC, des édits sont promulgués pour codifier leurs pratiques : les membres du sénat et de l’ordre équestre et par extension les femmes de cet ordre, sont interdits d’amphithéâtre. Pourtant les hommes comme les femmes de naissance libre peuvent s’engager ainsi que les esclaves. (Les combats de gladiatrices ont existé comme en témoignent des objets venant d’Halicarnasse. Ils sont exotiques et érotiques pour les Romains, et assez rares pour en faire un événement exceptionnel).

Répartis en cinq catégories, les gladiateurs sont payés en fonction de leur grade de combattant mais aussi du coût du spectacle dans lequel ils vont se produire. Le passage d’une catégorie à l’autre est soumis à un concours qui prend en compte les aptitudes physiques mais aussi la popularité. Un contrat définit les règles notamment de mise à mort. Un serment scelle l’engagement du futur gladiateur qui reçoit une prime conséquente, deux fois la solde annuelle d’un légionnaire, ce qui explique l’attraction du métier. En fait, après l’initiation, peu de combattants meurent au combat mais ils disparaissent jeunes, vers 18-20 ans.

3) Les armaturae des gladiateurs : des équipements très codifiés

L’armaturae, une panoplie constitue un mur de protection équilibré en fonction du rôle du gladiateur. Elle est codifiée et identifiable pour les spectateurs. Beaucoup de dessins dans la littérature jeunesse ne respectent pas les différentes panoplies par méconnaissance. Qu’il s’agisse du Provocator, du Thraex, du Murmillo, de l’Hoplomachus, du Retiarius, du Secutor, ou du Scissor et de l’Essedarius moins sourcés, ces armaturae ont un équipement particulier en fonction de leur type de combats. En effet, les différents duels sont extrêmement codifiés. Ils répondent à une nécessité spectaculaire au sens antique du terme, pensés et construits pour être regardés et compris par tous. 90 % des sources nous livrent huit duels différents qui mettent en avant ou un équilibre des forces stimulant les qualités physiques et techniques ou qui montre un déséquilibre pour accentuer l’habileté spectaculaire du plus faible.

4) Techniques et entraînement des gladiateurs

Les sources nous livrent peu de choses sur l’entraînement. Les textes parlent de doctores, les enseignants des gestes techniques dans les écoles, les ludus. La gladiature est l’apanage des athlètes très bien entraînés, d’une habilité technique remarquable. Le poids des équipements s’évalue autour de 17 à 20 kilos. Le bouclier sert de protection mais aussi d’arme de percussion. La dague courbée ou droite est utilisée pour blesser l’adversaire sans l’intention de le tuer mais avec des gestes précis et vus de tous.

5) L’amphithéâtre et le ludus

Emblématiques du monde romain et reprenant la longue tradition de la construction des théâtres, les amphithéâtres répondent aux besoins spécifiques des combats de gladiateurs. L’invention de la voûte « coulée en béton romain » permet l’évolution architecturale nécessaire à la réalisation de gigantesques édifices. Les premiers sont en bois puis la pierre apparaît au IIe siècle BC. Le Colisée  de Rome est le monument le mieux conservé (son nom lui a été attribué au Moyen-Age car il est proche d’une statue colossale). Construit sous les Flavien pour une capacité de 50 000 à 80 000 personnes, il sert de modèle architectural pour les autres amphithéâtres. Entourée d’un mur qui protège le podium, sa piste est surélevée sur un plancher. Dans toutes les régions, les amphithéâtres sont ouverts à tous et toutes mais sans se mélanger. Chacune des arches d’entrées correspond à une partie des gradins réservée à un groupe social. Directement relié à l’espace des jeux, le ludus est l’école des gladiateurs. De forme rectangulaire, le bâtiment s’élève sur deux étages et sa cour intérieure est occupée par un amphithéâtre de petite taille pour les entraînements et peut-être pour des spectacles privés. Les gladiateurs y vivent avec leur femmes et leurs enfants et non dans un lieu d’enfermement comme il a été souvent supposé.

6) La journée de jeux

Le public peut suivre toute la journée des spectacles variés aux objectifs bien différents. Le matin, se déroulent les chasses où sont capturés des animaux sauvages ou exotiques (la mise à mort d’animaux rares coûtent trop cher), commémorations des chasses mythologiques. A midi, les Romains assistent à la mise à mort de condamnés qui doivent périr par les armes ou par les animaux (entraînés pour attaquer). Dans l’après-midi, se déroulent les munera, les combats des gladiateurs de plus en plus expérimentés  accompagnés de deux arbitres mais aussi de musiciens, de crieurs, de porteurs de pancartes (pour connaître le nom du combattant), de soigneurs et de garçons de pistes. Tous contribuent au bon déroulement du spectacle. La majorité des duels m’entraîne pas la mort sauf si le gladiateur met genou à terre et se tue si l’editor accepte selon le contrat. Les hommes combattent avec un engagement total, dans le respect des règles, attentifs aux recommandations de l’arbitre en cherchant les faveurs du public. En effet, le succès de ces spectacles réunissent toute la société romaine. Les anciens en parlent comme des vecteurs de la paix romaine. En témoignent les objets, les peintures, la céramique, les fameux verres ornés de représentations de gladiateurs.

7) La fin d’une carrière

La liberatio marque la fin de l’activité de gladiateur selon son contrat ou par rupture anticipée pour cause médicale. Les sources ne permettent pas de savoir ce que fait ensuite le combattant : devenir entraineur, profiter de l’argent gagné… Si la gladiature apporte la gloire, elle inflige aussi l’infamia, l’exclusion de ces combattants des cimetières traditionnels, sans doute à cause de leur lien avec la mort mais aussi de leur apparition en spectacle pour de l’argent. Ils ne peuvent pas non plus être accusateur ou témoin dans une affaire judiciaire.

Cet opuscule s’avère très précis et utile pour des professeurs de collèges qui souhaiteraient par exemple bâtir un EPI en 6ème sur les jeux dans l’Antiquité. Il est quand même dommage que le lexique, comme annoncé p. 3, n’existe pas en fin d’ouvrage, ce qui aurait simplifié la lecture.