« Quand on est dans le désert, on dirait qu’il n’y a rien. Mais il y a plein de choses, si on sait regarder. C’est la différence entre le monde oriental et le monde occidental. »

Cet album est le fruit d’une rencontre en  2009 du dessinateur Lelio Bonaccorso et de Fabio Brucini, un professeur de plongée, habitant depuis une trentaine d’années au bord de la mer rouge en Égypte. Surnommé « l’homme du désert », Fabio pourtant proche du milieu marin, explique à son ami sa passion du désert du Sinaï (qui signifie la terre qu’illumine la lune) et des tributs bédouines  qu’il a pu rencontrer. Après plusieurs visites, un projet d’album se fait jour pour faire connaître la richesse de la culture bédouine, à travers le médium dessiné si proche des atmosphères et de l’intimité des êtres.

Le récit commence sur les îles éoliennes où les auteurs se sont connus. Cette mise en route est fort habile car elle permet de réaliser les contrastes entre le milieu marin et le milieu aride du Sinaï. Ce one shot présente le voyage « initiatique » de Lelio à travers la péninsule du Sinaï, de lieu en lieu mais aussi à la rencontre de personnalités qui y vivent, des bédouins (qui signifient habitant du désert) aux occidentaux qui sont venus s’y installer. Tour à tour, le lecteur découvre les différentes tribus et leur sheikh et les valeurs inhérentes à leurs traditions, l’hospitalité et le rituel du thé, la contemplation et la méditation. Une sagesse particulière due à l’observation attentive du désert, émane de ces hommes semi-nomades éleveurs de moutons dont certains se sont mis à l’agriculture ou à la pêche.

Sur le chemin du monastère de Sainte-Catherine, Lelio et Fabio s’arrêtent chez un herboriste, propriétaire des secrets du désert. On touche ici à la médecine traditionnelle perpétuée de génération en génération. Près du monastère, les auteurs parlent avec Faragh de la tribu des Gebeliah du mariage bédouin et du canun, le code oral des règles bédouines marquées par l’importance de la famille dont la femme est le pilier. Dressé au sommet du mont Sinaï, le gardien du monastère de Sainte-Catherine explique pourquoi le lieu est sacré pour les trois religions monothéistes, le judaïsme (Moise et les tables de la loi), le christianisme fondateur du lieu et l’islam pour la conservation de manuscrits anciens.

D’autres lieux sont ainsi à découvrir, El-Tur, capitale bédouine du Sinaï ou l’éco-lodge de Basada à Nuweiba, proche des frontières de la Jordanie, d’Israël et de l’Arabie saoudite. Mais rien n’est plus beau que la nuit quand la pleine lune illumine le paysage : on se croirait en plein jour !

Cet ouvrage nous plonge dans un monde certainement un peu idéalisé tant les auteurs sont amoureux du désert. Cependant le lecteur se laisse emporter dans ce récit illustré. De la BD se dégage une atmosphère unique colorisée, du brun au jaune, de l’ocre au noir avec quelques nuances de gris. Si le propos est intéressant, on retiendra surtout les tons chauds nuancés et vibrants des paysages variés, des plaines désertiques aux monts pierreux. Un petit dossier pédagogique sur les bédouins avec quelques dessins supplémentaires complète l’ouvrage.

Une petite vidéo proposée par l’éditeur : https://www.youtube.com/watch?v=Hzv95PnA5uE