A quoi ressemblera la ville demain ? Pour s’en faire une idée, cet ouvrage qui se focalise sur les jeunes urbanistes apporte d’intéressants éclairages. Le palmarès des jeunes urbanistes a été créé par le ministère en charge de l’urbanisme en 2005. Il est décerné tous les deux ans par un jury national. L’urbanisme est un bon point de vue pour observer des changements de société en cours. Riche en photographies, l’ouvrage présente chaque lauréat l’un après l’autre. Pour chaque cas, on dispose d’un portrait du ou des urbanistes qui retrace leur formation et leur carrière. On a également des exemples de leurs réalisations et projets. Plusieurs visuels accompagnent chaque présentation. 

Altitude 35 

Pour Altitude 35, il s’agit de réconcilier géographie physique et géographie humaine. Cela signifie d’observer avant d’agir. Dans un entretien, Clara Loukkal et Benoit Barnoud, qui forment Altitude 35, revendiquent leur approche transversale. Ils pointent aussi le problème des slogans et des beaux documents de communication déployés autour des projets d’urbanisme. La variable temps est aussi quelque chose d’essentiel, surtout pour des élus. Parmi les cas emblématiques de leurs travaux, on peut citer celui du campus de la Bouloie à Besançon. L’analyse du paysage montre qu’il est karstique et c’est donc une donnée fondamentale dont il faut tenir compte. Les urbanistes soulignent également que certaines commandes leur restent inaccessibles. On a également un exemple de ce qu’ils ont imaginé pour les berges de la Charente à Rochefort. 

Bellastock

Ce groupe met l’accent sur le réemploi des matériaux. Au départ, il y eut un festival de construction qui est éphémère. A travers Bellastock, on voit concrètement les aspects administratifs car, pour continuer d’exister et de fonctionner, l’association s’est transformée ensuite en SCIC (ou Société Coopérative d’Intérêt Collectif). L’objectif du groupe est d’arriver à marier dynamique associative et professionnelle. Il insiste sur quatre axes forts : retrouver le terrain, se déployer sur le territoire, se concentrer sur la gestion de la matière et piloter les grands projets de l’association comme le festival. Leur vision peut aussi se résumer à 3 F : flux de matériaux, filières et foncier. En terme d’économie, le réemploi déplace la valeur de la matière vers la main-d’oeuvre et le savoir faire. Réemployer des matériaux implique de la créativité. Le festival demeure une occasion majeure d’être sur le terrain. Actlab installé sur le chantier de l’écoquartier fluvial de l’Ile-Saint-Denis entre 2012 et 2019 avait été conçu comme un «  laboratoire manifeste du réemploi à l’échelle urbaine ». 

FCML architectes

Florian Camani et Mathilde Luguet, d’où le nom de FCML, souhaitent redonner des qualités aux tissus diffus existants pour les adapter à l’urgence écologique. Il s’agit notamment de s’immerger dans la réalité des territoires, par exemple sous forme de résidences d’artistes. L’objectif est clair : s’appuyer sur le déjà-là. Les deux urbanistes affichent un tropisme pour les territoires en marge et la question du logement. Comme ils le disent très bien, «  nous ne sommes pas engagés politiquement mais notre travail est un engagement en ce qu’il tente de faire bouger les lignes ». Parmi les cas présentés en images, on peut citer Angers et la zone d’activité Saint-Serge. 

Sophie Ricard

Pour elle, l’urbanisme est une histoire de vie. Parmi les principes qui la guident, il y a le fait de construire en habitant, de s’autoriser à expérimenter sur le long terme tout en accueillant l’immédiateté des besoins sociétaux. Elle considère qu’il faut se donner le temps d’entendre un territoire avant de planifier quoi que ce soit. L’idée de programmation ouverte suppose une prise de risque pour les collectivités et aménageurs, ce qui est parfois compliqué à faire passer. Elle revendique ce droit à bousculer les acteurs dans leurs certitudes. Pour illustrer son mode de pensée, on peut citer le cas de l’hôtel Pasteur à Rennes qui est une sorte de laboratoire et en même temps un exemple de démocratie active. 

Le sens de la ville

Cette équipe « navigue entre conseil, programmation, ingénierie de projet » et place  «  l’évaluation des projets urbains récents au coeur d’une discussion regroupant l’ensemble des acteurs de la chaine de production de la  ville ». Elle souligne le risque de se laisser enfermer dans des standards et plaide pour de nouvelles explorations.  Cette équipe oeuvre donc souvent en appui des maitres d’ouvrage : elle veut avoir un pied dans la recherche et un autre dans l’action. Parmi les principes concrets, l’équipe montre que c’est au rez-de-chaussée que se joue une grande partie de la qualité d’un quartier : ils doivent concentrer des lieux qui rendent un vrai service au quartier. 

Yes we camp 

Cette structure regroupe 97 collaborateurs orientés par un conseil d’administration collégial. Il s’agit de faire une place à la capacité collective. Elle veut créer des tiers lieux solidaires contribuant à des villes européennes accueillantes. Comme exemple, on peut citer le cas de la ville de Marseille qui ne compte aucun camping à moins de trente kilomètres du centre. Le groupe pointe l’idée de ville conventionnelle ce qui signifie qu’elle externalise beaucoup de choses négatives. L’ouvrage aborde l’exemple de la Caravanade, projet débuté en 2014. Ce sont quatre caravanes permettent la réalisation d’actions participatives en plein air et chacune se déploie autour d’un thème : la construction, les médias, la cuisine et le bien-être. 

Arrivé au terme de ces présentations, on a découvert de nouvelles facettes de l’urbanisme. On mesure la difficulté pour imposer de nouvelles idées et le fait que le parcours de ces nouveaux urbanistes a été long avant d’arriver à réaliser ce qu’ils imaginaient. 

Jean-Pierre Costille