En bande dessinée, depuis le succès tant mérité des Maîtres de l’orge, les sagas familiales autour d’un produit encré dans notre patrimoine culturel (vin, bière, cigare, etc.) sont devenues nombreuses (Flor de Luna, Châteaux Bordeaux, etc.). Cette série autour de la culture, du commerce et de la transformation de la fève de cacao s’annonçait prometteuse car scénarisée par Didier Alcante (La Bombe, Les piliers de la terre, XIII Mystery, Rani) avec Fabien Rodhain (Les Seigneurs de la Terre, Whisky San) et dessinée par Francis Vallès (Les maîtres de l’orge, Rani, Tosca) … des noms censés rassurer les amateurs de bande dessinée ! Après un premier tome bien fade et décevant, aussi bien du point de vue du scenario, des dessins que des couleurs, Didier Alcante et Fabien Rodhain poursuivent ici l’intrigue familiale démarrée en 1822 dans la colonie portugaise du Brésil au cœur de la plantation cacaotière des Da Silva Bourbon.
Ici, l’histoire se poursuit 28 années plus tard avec Don Socrates, producteur de cacao en Afrique sur l’île de Sao Tomé, cherchant un débouché commercial en Angleterre. A Bristol, Sir Fry accepte de négocier à la condition que la plantation Socrates interdise l’esclavage. Aussi, afin de sceller cet accord commercial, il est prévu de marier la fille de Socrates, Sofia, avec le fils de Fry. C’est à ce moment que le passé va rattraper Don Socrates qui n’est autre que Tiago Da Silva Bourbon, un des protagonistes du premier album. Sao Tomé va être le théâtre des retrouvailles tragiques entre ce dernier et son frère Louis qui a des comptes à régler depuis les années brésiliennes.
Dans ce deuxième tome, les dix premières pages sont très soignées tant du point de vue du scenario que des dessins … dignes des Maîtres de l’orge ! Puis, l’histoire devient convenue et les illustrations moins méticuleuses. Une chose ne change pas : les fonds colorisés toujours aussi criards. L’intérêt principal de ce deuxième opus est d’enfin proposer au lecteur, dans les premières pages, des informations intéressantes sur la production, la transformation et le commerce du cacao, ce que le premier album n’avait pas fait en laissant un goût amer d’inachevé.
Pour les enseignants, les premières pages peuvent présenter un réel intérêt pédagogique notamment au moment de travailler les révolutions industrielles du XIXe siècle. La transformation des fèves de cacao en milliers de tablettes dans les usines Fry y est particulièrement bien décrite. C’est en effet à cette famille d’industriels, Jospeh puis ses trois fils, que l’on doit la première broyeuse hydraulique pour les fèves de cacao ainsi que la tablette moulée issue du mélange du beurre de cacao, du chocolat en poudre du chimiste néerlandais Coenraad Johannes van Houten et du sucre. Comme beaucoup d’industriels quakers, les Fry refusent d’importer du chocolat des colonies où les conditions de l’esclavage sont inacceptables, le travail étant considéré comme l’une des voies privilégiées vers le salut.
Plusieurs vignettes présentent ainsi l’usine Fry de Bristol, gigantesque et moderne. Les machines à vapeur ou hydrauliques permettent de torréfier les fèves, de les broyer, de malaxer la pâte de cacao, de la presser et enfin de mouler celle-ci en forme de tablettes. Pour l’instant, ce sont des ouvrières qui décortiquent à la chaîne les fèves, mais bientôt, ce travail sera lui-même effectué par une machine !