Titulaire d’une maîtrise d’histoire contemporaine intitulée « Les radicaux et les radicaux-socialistes en Indre-et-Loire (1928-1934) », soutenue en 1992.
Sir Arthur Benton fait partie de ces Anglais qui, dans la foulée de Sir Oswald Mosley (1898-1981), ont choisi de servir le nazisme… et lorsque la fin du Second conflit mondial approche, les comptes à rendre sont terribles. Capturé par les alliés, placé face à son ennemi de toujours, le colonel de la Taille du BRCA (Services secrets de la France libre), Benton se confesse et raconte une autre histoire de l’Allemagne et de la Deuxième guerre mondiale, une histoire où les services secrets s’affrontent, où les partis extrémistes (communistes et nazis) luttent pour le pouvoir, où les nationalismes s’enflamment, où l’on tue au nom de l’idéologie, mais jamais sans une arrière-pensée intéressée. Une sorte de guerre secrète cachée dans la grande.
Istanbul : 1929
Cette trilogie nous fait assister dans le tome 1 (Opération Marmara) à la montée du parti nazi, malgré la résistance du KPD (parti communiste allemand) et des ouvriers : l’histoire est en marche, mais dans l’ombre, des industriels soutiennent l’apprenti dictateur et lui procurent des armes. C’est ainsi que ces dernières transitent par Istanbul après une manipulation de grand style qui met en scène partisans du califat turc, nationalistes arabes et services anglais. On quitte la BD historique pour le monde de l’espionnage, avec ses opérations commandos et ses agents doubles. Dans la coulisse, sir Benton agit pour le compte des uns et des autres au nom d’un anticommunisme dont on sent bien qu’il est nuancé par le goût du jeu et du pari sur l’histoire. L’espion français, de la Taille, est farouchement antinazi et tente de « neutraliser » Benton ! Le duel ne fait que commencer, et les adversaires se font désormais face.
Wannsee : 1942
Dans le tome 2 (Wannsee 1942), le lecteur apprend que Benton connaissait personnellement l’amiral Canaris (chef de l’Abwher) qui le charge d’éliminer les espions communistes à Varsovie qui harcèlent les troupes allemandes en Pologne. De plus, Benton était présent à Wansee, en 1942, quand la solution finale a été décidée…
Berlin : 1945
Dans le tome 3 (L’assaut final), nous sommes en 1945, dans la capitale berlinoise dévastée. Pendant la prise du bunker d’Hitler, le IIIe Reich s’effondre. Qui est » réellement » sir Arthur Benton ?… Cette question ne cesse de hanter le colonel de la taille, membre du 2e bureau français, chargé de l’interroger comme criminel de guerre. A Nuremberg, après la chute d’Hitler, dans la salle d’interrogatoire des alliés, la confrontation entre ces deux hommes rodés à la guerre de l’ombre s’annonce complexe. Mais à la demande expresse de l’Etat-Major anglais, le traître, Sir Arthur Benton, est transféré dans une caserne en Belgique ! Pour Marchand (alias de la Taille) qui l’a traqué depuis 15 ans, l’explication » secret défense » ne suffit pas… Pourquoi Churchill intervient-il – en personne, pour récupérer l’agent complice des nazis ? Quel terrible secret détient Sir Arthur Benton pour échapper à ses juges ? Qui a commandité les missions secrètes de ce citoyen britannique rallié à l’idéologie nazie ? Vues à travers le prisme des services spéciaux, toutes les vérités ne sont pas bonnes à dévoiler sur les enjeux politico-militaires de la Seconde guerre mondiale. Tarek et Perger terminent ce cycle 1 d’une guerre » secrète » par un final apocalyptique (exécutions sommaires dans un Berlin en feu…) et surprenant.
Reconnaissons-le d’emblée, cette trilogie est réussie : le sujet est original et les fans d’histoire apprécieront tant le traitement que la qualité de l’intrigue du scénariste Tarek, à mi-chemin entre le thriller et le roman graphique (avec l’ajout systématique en fin de volume d’un dossier historique, la présentation des protagonistes de chaque album, une bibliographie, une chronologie, une filmographie et une sitographie). Le graphisme est également original : le dessinateur Stéphane Perger a su donner à ses images un ton quasi cinématographique, un peu délavé (genre films d’actualité des années 30) qui renforce les attitudes et les visages. Le travail des couleurs est également à souligner, Perger étant parvenu, en jouant sur les noir, brun et rouge, à symboliser le destin menaçant de l’Allemagne et du monde. Car la Seconde guerre mondiale et le nazisme ne sont finalement que le prétexte à un duel entre de la Taille et Benton. Comme aux échecs, les deux maîtres-espions déplacent leurs pièces, élaborent une stratégie dont le lecteur, peu à peu, prend conscience, séduit par les deux personnalités si contrastées et si complémentaires. Une belle variation sur les coulisses de l’histoire. Magistralement documentée, cette histoire d’espionnage, psychologique et à suspense, a reçu de nombreux prix du scénario et du dessin. Un futur classique ?
Jean-François Bérel
