Seiho Takizawa a publié en 1992 son premier album et s’est depuis spécialisé dans les récits de bataille aérienne se déroulant pendant la Deuxième Guerre mondiale. Dans ce manga en deux volumes, il dépasse la seule dimension technique des combats pour nous faire suivre le quotidien d’un couple japonais durant le conflit.

Le Japon dans la Seconde Guerre mondiale

Le récit commence en 1943 à un moment où les Japonais sont en train de commencer à perdre la guerre. On sent bien que l’auteur est un spécialiste des avions, comme en témoignent plusieurs planches ultra détaillées. Ainsi, à la page 56 du premier volume, vous saurez tout sur le KI-61 II qui avait été conçu pour être performant en altitude. Un autre dessin sur le moteur nous précise qu’un « système permet d’éviter les détonations grâce à l’injection d’un mélange eau-méthanol sans utiliser de carburant à fort indice d’octane ». En tant que non spécialiste des mangas, j’avoue avoir été un peu surpris au départ par ce degré de précision, mais après quelques recherches, il n’y a là finalement rien que de très habituel.

Le destin de Shirakawa
Durant les deux volumes, on suit Shirakawa, pilote de chasse, qui est muté dans un centre d’essais aériens. Cette situation nouvelle lui permet de vivre une vie de famille qu’on pourrait dire normale. Sa mission est de travailler à de nouveaux matériels qu’il teste, d’où les multiples planches et variations sur tel ou tel avion. Il doit éprouver par exemple, et parfois pas sans danger, le comportement d’avions en situation de neige. Il ressent aussi l’infériorité matérielle de son pays et essaye de faire entendre son point de vue. Le soir, il rentre chez lui et retrouve son épouse Mariko. La jeune femme vit dans une certaine peur en raison du métier de Shirakawa ; elle acquiert au fur et à mesure des pages une certaine épaisseur. Le héros est parfois confronté à des situations difficiles comme lorsqu’il doit remettre à sa famille les affaires d’un ami pilote décédé.

Le quotidien d’un pays en guerre

Seiho Takizawa ne parle pas que d’aviation et donne à voir le quotidien d’un pays en guerre. Sans jamais juger ses personnages, il nous invite à les suivre dans ce quotidien pas si banal car marqué par la guerre et de plus en plus par les alertes et risques de bombardements. L’auteur glisse également plusieurs notations sur la nourriture ou sur le logement. On apprend aussi au détour des conversations entre le héros et sa femme qu’à cette époque le jazz est interdit au Japon. Il est impossible d’écouter une musique qui vient de l’ennemi que sont les Etats-Unis. On découvre aussi le poids des associations de quartiers. L’histoire ne se réduit pas seulement au couple formé par Shirakawa et Mariko, ce qui donne de l’épaisseur au récit.

Bombardements américains et tactique japonaise

Le manga n’en évoque pas moins les combats aériens. Plusieurs épisodes retracent les conséquences des bombardements des Etats-Unis sur le Japon. On découvre la peur qu’inspiraient les B29 américains. Leur supériorité est indéniable puisque que les avions japonais avaient du mal à rivaliser avec un appareil qui était équipé d’un turbocompresseur et de cabines pressurisées capables de voler sans peine à 10 000 mètres d’altitude. On voit les raids sur Tokyo comme en novembre 1944 ou encore le grand bombardement de Tokyo qui causa plus de 100 000 morts. Les deux volumes n’abordent qu’à la fin Hiroshima et Nagasaki. Le manga montre l’évolution de la tactique japonaise avec le recours aux kamikazes.

Personnellement, Sous le Ciel de Tokyo doit être le premier manga que je lis entièrement, pas par désintérêt de la culture japonaise, bien au contraire, mais peut-être par effet de génération. Il présente une histoire intéressante, quoique parfois trop technique à mon goût, et mélange vie quotidienne et désastres de la guerre.
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Pour s’en faire une idée, c’est ici.

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Jean-Pierre Costille, pour les Clionautes