STUCK RUBBER BABY n’est pas, selon Howard Cruse lui-même, une autobiographie, mais une œuvre entrant dans la catégorie des autofictions.

Howard Cruse (1944-2019) est un artiste aux multiples talents (comédien, marionnettiste et dessinateur) originaire d’Alabama connu dans les années 1980 pour avoir travaillé dans le milieu de la BD underground et LGBT. En parallèle, il a multiplié ses collaborations en tant qu’illustrateur humoristique dans des magazines de grande audience tels que Playboy, ou American Health.

STUCK RUBBER BABY demeure cependant son œuvre la plus connue et sans doute la plus achevée. Parue en 1995, elle est rapidement traduite en plusieurs langues et reçoit de nombreux prix aux Etats-Unis (Prix Harvey), au Royaume-Uni, en Allemagne et même au Festival d’Angoulême en 2002.

Cette réédition de l’œuvre de Howard Cruse, après son décès en 2019, bénéficie de l’ajout d’un « making of » dans lequel l’auteur explique lui-même sa démarche créatrice et ses références, ce qui donne une nouvelle dimension à la lecture de cette œuvre graphique.

STUCK RUBBER BABY n’est pas, selon Howard Cruse lui-même, une autobiographie, mais une œuvre entrant dans la catégorie des autofictions. La Ville de Clayfield dans le sud des Etats-Unis n’existe pas, certes, et les événements racontés ne sont pas l’enfance et les débuts de l’âge adulte d’Howard Cruse, mais il s’est inspiré de sa vie, de ses expériences ainsi que des propos entendus et recueillis auprès d’autres pour étayer son roman graphique et lui donner une plus grande profondeur.

La forme prise est celle d’un flashback lorsqu’un homme, Toland Polk, raconte à son conjoint quelle a été son enfance dans le Sud pendant la fin des années 1950 et le début des années 1960.

C’est ainsi que l’on se retrouve face à une fresque montrant la société américaine dans les états sudistes pendant la période de la conquête des droits civiques. Cet aspect de la lutte pour l’émancipation des Afro-américains est au cœur de l’œuvre, donnant la part belle aux personnages du quotidien plus qu’au grandes figures historiques évoquées mais peu importantes pour Toland. Mais réduire cette œuvre à un plaidoyer sur la conquête des droits civiques serait un injure faire à Howard Cruse qui aborde de nombreux autres thèmes sociétaux de manière tendre et non manichéenne. Il montre bien les difficultés de vivre dans le Sud des Etats-Unis au tournant des années 1950-1960 quand on n’est pas blanc, homme et hétéro. La découverte et l’acceptation de son homosexualité, le refus du racisme, la difficulté de s’opposer aux pressions d’une société machiste et homophobe, faire face aux violences policières et au Ku Klux Klan, la place des femmes dans la société, la lâcheté individuelle ou collective sont autant de thèmes que d’interrogations soulevés par cette œuvre que l’on pourrait qualifier de magistrale.

Elle constitue un support idéal de travail interdisciplinaire entre l’anglais, le français , les arts plastiques et l’EMC.