C’est parfois très dur de chroniquer un beau livre tout simplement parce que l’on a peur d’oublier quelque chose, tant l’œuvre était dense et riche en émotions.
Vincent Gelot, humaniste et poète travaillant pour l’Oeuvre d’Orient, demande à Baudoin avec qui il a déjà travaillé, de l’accompagner en Syrie.
« J’aimerais que tu puisses donner un visage et une voix aux syriens. Je voudrais qu’avec ton pinceau tu donnes au monde les hurlements que moi j’entends ici » déclare le poète au dessinateur. Tout au long de leur périple syrien, l’un et l’autre donneront des visages à la détresse et à l’espoir.
Des rencontres extraordinaires sont ainsi croquées, à l’instar de celles avec l’évêque Jacques Mourad (enlevé par Daech et enfermé pendant 84 jours dans une salle de bains. Il rêve que les Syriens retrouvent leur capacité de rêver), de Soumaya (jeune femme aux nationalités syrienne et suisse, elle cherche à permettre aux enfants de « s’évader » un peu des ruines d’Alep grâce au travail extraordinaire accompli dans un lieu de culture, le « square de la lune »), de Lamis (une jeune musulmane qui rêve de rebâtir l’église des capucins de Deir-Ez-Zor) ou encore du père Jihad qui déclare : « je rêve d’une guérison politique. On nous a menti depuis quarante ans en nous disant que nous formions un seul peuple, alors que certains pillent les richesses en écrasant les autres. Je rêve de danses, de musiques qui ne s’arrêtent pas ».
Nombreux sont ceux qui parlent d’une volonté de revenir à un « avant », non pas par un quelconque attachement au parti bassiste (le roman graphique évoque la situation du pays en 2023) mais par volonté de connaître de nouveau la paix. D’autres parlent d’évasion, de reconstruction ou de vies tournées vers de belles réalisations.
Syrie, Des pierres et de la vie, est une très grande réussite.
Les aquarelles de Baudoin sont magnifiques (les deux vues du monastère de Mar Moussa, pages 112-113, sont sublimes), les dialogues ciselés et les poèmes de Vincent Gelot plus qu’évocateurs. C’est sur l’un de ses beaux textes que se conclue cette chronique qui se veut avant tout une invitation à découvrir leur travail commun.
« C’est bien la peine, De ne savoir pourquoi, Sans amour et sans haine, Mon cœur a tant de peine, Mais loin de toi Verlaine, Dans cette pauvre plaine, Je crois bien que les cœurs, saignent des larmes vaines ». Vincent Gelot.