« Je me suis toujours sentie en droit de changer ».

Si méconnue en France, mais tellement populaire au Brésil, Tarsila do Amaral (1886-1973) incarne une artiste féministe multiple qui adopte des styles variés inspirés des transformations de son pays.

Docteur en histoire de l’art, Cecilia Braschi a rédigé ce carnet d’expo à l’occasion de l’exposition « Tarsila do Amaral. Peindre le Brésil », présentée au musée du Luxembourg d’octobre 2024 à février 2025.

A la recherche d’une esthétique féminine et personnelle

L’artiste grandit au sein d’un milieu aisé et traditionnel dans l’État de Sao Paulo. Sa famille possède plusieurs fazenda où travaillaient des centaines d’esclaves. Cependant, Tassila bénéficie de l’ouverture d’esprit et de l’érudition de ses parents, baignés de culture française. Ces derniers acceptent sa vocation d’artiste consacrée à la musique et à la peinture, ce qui est rarement toléré à cette époque pour une femme. Ainsi, Tassila se forme à l’art français d’abord à Sao Paulo puis dans le Paris des années 20.

De retour au Brésil, l’artiste partage les idées des « modernistes », portées par une génération de trentenaires, écrivains, poètes et peintres, qui fonde le groupe des Cinq.

Un art brésilien multiculturel

Depuis son indépendance en 1822, le Brésil reste lié culturellement à l’Europe. Les modernistes souhaitent intégrer dans les créations artistiques le caractère multiethnique de la population, des modèles autochtones aux mythes africains afin de créer un sentiment national.

Confrontée aux réflexions du cubisme européen (André Lhote, Fernand Léger et Albert Gleizes), Tarsilia cherche sa voie en simplifiant les formes dans des paysages aux couleurs chatoyantes. Elle ambitionne un certain syncrétisme par la combinaison d’éléments disparates. En 1928, le Manifeste anthropophage rédigé par Oswald de Andrade prône la dévoration de toutes les tendances artistiques comme les cannibales dévorent leurs ennemis pour absorber leurs connaissances.

Politique et progrès social

1930 marque une rupture pour le Brésil qui connaît la dictature. Tarsilia subit des revers de fortune et devient conservatrice, puis chroniqueuse culturelle. Elle s’intéresse au rapport entre l’art et la psychiatrie, puis elle adhère au parti communiste. Après sa visite de l’URSS, elle reste à Paris et s’engage au côté de Sonia et Robert Delaunay mais aussi Léger et Gleize dans des projets collectifs et multidisciplinaires.

De retour au Brésil où l’attend un séjour en prison pour ses idées progressistes, l’artiste se tourne vers la fresque sociale. Elle peint les ouvriers, les conditions de vie misérables des plus défavorisés, en s’inspirant des affiches de propagandes.

A la fin de sa vie, Tarsilia recompose des motifs déjà traités, témoins des changements radicaux survenus dans son Brésil natal. Elle associe l’architecture moderne à la végétation tropicale dans des compositions plus abstraites. Même en fauteuil roulant, elle continue à peindre tout en se renouvelant jusqu’à sa mort.

Découvrir cette artiste révolutionnaire à travers ce petit livre, dans la tradition des carnets d’expos publiés chez Gallimard, s’avère fort plaisant. De nombreuses pages se déplient afin d’admirer des œuvres sélectionnées et contextualisées. Cet ouvrage constitue une excellente introduction à l’exposition du musée du Luxembourg.

Pour en savoir plus : le dossier pédagogique de l’exposition