« Touiller le miso. Revoir les morceaux de navet. Boire tout le bol ».
C’est cet haïku qui donne son titre à l’ouvrage pérégrino-poétique de Florent Chavouet.
Ce dernier écrit, dans un large propos liminaire : « je suis parti au Japon pour boire du sake. C’est du moins l’invitation que j’ai reçue et que j’ai acceptée. Ino San, dont j’ignore toujours le métier, m’a proposé de découvrir les « Kaku Uchi », terme que je le soupçonnais d’avoir inventé mais qui désigne familièrement des petits commerces où l’on vend et boit de l’alcool, surtout du sake, surtout local, surtout debout. Je pourrais ajouter qu’on y grignote aussi directement dans les petites boîtes de conserve si l’on n’a pas la chance de goûter aux kara age maison, qu’on y va après le travail et avant la maison, pas celle des kara age, mais quelle importance puisque finalement je suis parti au Japon pour écrire des haïkus, surtout bancals, parfois assis. Sans doute parce que j’ai pris ça comme un jeu et qu’il est plus simple de traduire une journée en trois lignes plutôt qu’en verres et en miso. Peu importe, je suis parti au japon parce que ça me manquait. Et il fallait bien une préface pour l’expliquer ».
A la lecture de ce grand « carnet », on découvre que « c’est en découpant le dekopon (sorte de citron allongé) qu’on peut plus dire dire que c’est pas bon », que « de la fenêtre du train, on voit bien le chemin d’où l’on vient » ou encore qu’ « à même le bitume, quand elle dort dehors sous la lune, la voiture s’enrhume ».
Tous les courts poèmes de Florent Chavouet sont accompagnés de magnifiques productions graphiques et, en bon Pausanias, l’auteur s’est intéressé absolument à tout ce qui l’entoure, de l’art d’occuper convenablement un restaurant à comptoir, en passant par le kanipan (petit biscuit prenant des formes variées et vendu en sachet) ou la pêche aux Umi Ushi (« vache de mer », les lièvres de mer en France).
Touiller le miso constitue autant de fenêtres ouvertes sur le japon contemporain. Une superbe découverte de fin d’année.
Grégoire Masson