A Nantes, en 1792, Pince-Mitraille, Titor et Mélina, une courageuse et très attachante bande d’enfants des rues, cherche à sauver leur amie Célénie, capturée par le truand Mange-Doigts à la fin du premier tome. Etant des enfants et étant, de surcroît, du Tiers-Etats, ils ne disposent d’aucun moyen d’y parvenir et de se mettre à l’abri. En effet, la jeune Célénie, après l’assassinat de sa mère, avait rallié Nantes dans l’espoir de trouver l’asile et la justice auprès de son oncle, l’impitoyable marquis de Valoire. Mais la Révolution a rebattu les cartes et attisé les convoitises, rendant Célénie plus intéressante morte que vivante.

En 1793, quand commence le troisième tome, la France s’enfonce dans la désorganisation alors que la mort du roi Louis XVI vient d’être annoncée. Dans ce climat délétère, tandis que Mélina bat la campagne en compagnie de Léocardie à la recherche de son père, l’ancien précepteur de Célénie à Nantes, attend.

Le Marquis de Valoire fait rappeler son fils Enguerrand de l’armée pour lui prêter main-forte dans la contre-révolution qui couve en Vendée. Mais dans l’ombre des ruelles, Célénie et son nouvel allié Mange-Doigts sont plus vivants que jamais et ont fait alliance pour faire tomber le Marquis. Quant au nouveau commissaire Lambert, sa loyauté vacille entre l’aristocrate et le roi des bas-fonds. À Nantes comme à la capitale, la valse des alliances bat son plein au gré du chaos politique.

Une représentation d’une société et d’une époque toute en nuances de gris

Ce troisième tomeRévolutionnaires – tome 1 Les Princes Misère – tome 2 : Le grand désordre de l’an I est un prélude de la Révolte des Chouans. C’est un véritable microcosme de la société française : Hautière et Fourquemin, en déroulant la suite des aventures de leurs jeunes héros, dépeignent une période et une société toute en nuances de gris, dont le sous-texte a des résonnances très actuelles :
– l’alliance entre la jeune aristocrate Célénie et le chef des bandits de la ville ;
– les « petites gens » restés fidèles à leur maître, pour qui la Révolution est un concept parisien très lointain ;
– les commentaires choqués des bourgeois qui voient la bonne santé du commerce triangulaire menacée ;
– la résilience de l’ancien monde, incarné par le Marquis de Valoire, avide de pouvoir, d’argent et de propriété.

Les lignes entre la Révolution et l’Ancien Régime sont floues, rendant l’intrigue d’autant plus passionnante. Mis à part les enfants, qui incarnent les idéaux révolutionnaires de liberté, d’égalité et de fraternité, la plupart des personnages ont leur cupidité en commun.

Les dessins de Xavier Fourquemin sont toujours d’une grande beauté et d’une grande simplicité. Sous sa plume, le point de vue des enfants est parfaitement restitué, le dessinateur allant jusqu’à accentuer la hauteur des bâtiments ou le physique des adultes afin que le lecteur découvre la ville de Nantes presque à travers les yeux des héros. Les lignes sont claires, le dessin est précis, les couleurs sont chatoyantes, donnant ainsi vie à cette ville, à sa violence et à son caractère sans pitié. De spectaculaires plans panoramiques viennent parfaire ce décor aussi beau qu’historiquement précis. Les expressions et les visages des personnages permettent également de bien différencier le monde des enfants de celui des adultes. Les jeunes héros apparaissent sympathiques et expressifs, alors que les adultes ont des traits plus durs et ont souvent l’air antipathique.

Une série à la fois passionnante et pédagogique

Comme les deux tomes précédents, le récit est complété par un carnet pédagogique de sept pages, simple et précis, soutenant l’ambition pédagogique de la série et permettant de répondre aux questions que le lecteur pourrait se poser sur le contexte de l’intrigue, comme par exemple le procès du roi, la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ou le calendrier républicain.

Cette bande-dessinée, ainsi que ce carnet, peuvent, selon moi, servir de support ou de prolongement au cours sur la Révolution française en classe de Quatrième. Par l’approche très humaine et l’âge des héros, les collégiens peuvent s’identifier aux personnages et entrer dans cette période historique complexe avec plaisir. J’ai pu constater en classe le plaisir que des élèves de Sixième ou de Cinquième ont eu à lire les deux premiers tomes, la lecture réactivant quelques connaissances de Primaire et entrainant de nombreuses questions.

Comme dans Les Enfants de la Résistance ou La Guerre des Lulu, la série Révolutionnaires propose plusieurs niveaux de lecture, pouvant ainsi être lu par des enfants en suivant surtout l’aventure de nos héros, mais aussi par des adultes en se concentrant sur la grande Histoire vue par le bas.