A contre courant de la presse nationale (cf Télérama Halte à la France moche ou bien encore Loin des villes, un rêve qui tourne mal), Olivier Mongin et Jacques Donzelot ont concocté un dossier consacré aux espaces périurbains afin d’offrir à leurs lecteurs des éléments de réflexion objectifs. Ceux-ci doivent permettre de ne pas alimenter les clichés sur les habitants des zones périphériques. Non seulement, ces derniers voteraient pour l’extrême droite mais seraient responsables du changement climatique à cause de leurs navettes automobiles quotidiennes ainsi que de la mise en place d’une société égoïste en raison de leurs habitudes individuelles ! Rien que cela !
Les coordinateurs du dossier ont fait appel à des « pointures » du périurbain et de l’urbain en général : Christophe Guilly, Laurent Davezies, Jean Rivière, Marie-Christine Jaillet, Jean-Michel Roux, Cynthia Ghorra-Gobin, Michel Lussault… Ces contributeurs aident à penser qu’il faut cesser de voir ces espaces avec les grilles de lecture d’hier. « Le village d’hier est fini et nous le réinventerons que comme des « néo-urbains » (p. 22). Il faut donc cesser de lire le monde selon le modèle centre-périphérie. L’urbain est généralisé.
Si l’interview (celle de Christophe Guilly et de Laurent Davezies) qui ouvre le volume va plutôt dans le sens des idées reçues véhiculées par les médias, l’article de Jean Rivière est décapant. Il retrace l’historique de l’amalgame vote d’extrême droite et périurbain. Il décortique les chiffres en bon spécialiste de la géographie électorale et relativise ceux-ci. Il va même jusqu’à en nier l’impact, selon l’échelle d’analyse retenue : « (…) Il faut veiller à ne pas surinterpréter le vote de la plupart des acteurs sociaux, autrement dit, à ne pas déduire un système de valeurs stable d’un choix électoral ponctuel. » (p. 44) Cette première partie est donc très stimulante à lire par les points de vue différents qu’elle présente autour de la question : le périurbain, terreau du populisme ?
Les articles rassemblés sous le chapeau : Comment peut-on être périurbain ? ne sont pas inintéressants mais ils sont moins novateurs. Beaucoup de choses très connues sont reprises par les auteurs à propos de l’émiettement social, de la fermeture de certains lotissements… L’article de deux hauts-fonctionnaires (Aurélien Rousseau et Hugo Bevort) sur la banlieue retient l’attention. Il est très riche. Consacré à la banlieue, il aurait donné de nombreux éléments aux étudiants candidats au CAPES 2013 qui ont eu à plancher sur les banlieues en novembre 2012. Trop tard !
La dernière sous-partie : Tous urbains ! est sans contexte la plus stimulante. Jean-Michel Roux, dans la lignée du Forum Vies mobiles (Les mobilités durables dans le périurbain, est-ce possible ?), part du constat : « Nous sommes tous urbains » (p. 111) et décrypte le périurbain comme un élément constitutif de l’urbain même si les institutions de gestion de l’aire urbaine demeurent bien inefficaces selon son point de vue. Cynthia Ghorra-Gobin entame son article sur une réflexion sur l’échelle de l’aire urbaine et sur la nécessité qu’elle soit prise en compte par les gestionnaires de l’urbain. Aux Etats-Unis, une nouvelle tendance émerge et laisse espérer que « la traditionnelle opposition entre ville et suburbain (drivable suburbs et walkable places) » (p. 128) est en train de s’effacer : « Des promoteurs perçoivent ainsi une demande de logements et de bureaux situés dans des walkable places, soit des espaces d’urbanité que l’on peut retrouver aussi bien dans la ville centre que dans les banlieues. » (p. 127) Les populations revendiquent un droit d’accès aux espaces publics. Dans un contexte où « (…) la périphérie urbaine s’est imposée comme un paysage majeur du Monde, au même titre que le centre. » (p.131), où l’automobilité « permet aux humains de rendre habitable un urbain si massivement péridispersé » (p.132), cette tendance est plutôt rassurante. Intégrer les espaces ouverts (bois, champs) à l’aire urbaine est donc essentiel, rappelle Michel Lussault. Ils doivent être inclus aux systèmes urbains qui sont de plus en plus multipolaires.
« Il est donc plus que temps d’accepter de considérer que le périurbain constitue désormais à la fois un modèle de spatialisation des réalités sociales et un genre de vie dont il importe de tenir compte, quoi qu’on pense des pratiques et des valeurs qu’il exprime, et dont il va s’agir d’inventer une politique » (p. 143)
Catherine Didier-Fèvre ©Les Clionautes