Publier sa thèse de doctorat constitue non seulement l’aboutissement d’une recherche mais aussi un tremplin pour engager d’autres chantiers. Très attendue, la thèse d’Anne Lambert est désormais disponible au Seuil. Sociologue, chercheuse à l’INED et associée au Centre Maurice-Halbwachs, elle décortique les tenants et les aboutissants du rêve de propriétaires partagé par de nombreux Français.
Leitmotiv des campagnes présidentielles, faire accéder les Français à la propriété immobilière apparaît la solution à bien des problèmes et est porteuse de promesses : garantie en cas de « coup dur », héritage économique à transmettre à ses enfants, assurance de voir grandir ses enfants dans un environnement sain… Un lotissement périurbain de l’agglomération lyonnaise est passé au crible de l’analyse universitaire : 32 ménages engagés dans l’aventure de leur vie se sont prêtés au jeu des questions-réponses de la chercheuse. Tous les sujets ont été abordés : crédit immobilier, ressources, place des enfants, bricolage et autres occupations diverses du week-end … mais aussi opinions politiques. La lecture est d’autant plus passionnante qu’on découvre, au fil des pages, que ce lotissement, mine de rien, reproduit bien des fractures sociales : les propriétaires de la première tranche, issus de catégories intermédiaires, ne tenant pas à être assimilés à ceux de la seconde tranche, bénéficiaires de pass foncier et à la peau basanée. Ce clivage « petits blancs » / « immigrés », résultat de la diversification des origines géographiques des propriétaires, amène l’auteure à se demander si les lotissements périurbains ne sont pas des « HLM à plat » : « En accueillant des ouvriers stables, des couches intermédiaires touchées par la crise du logement dans les grandes agglomérations et des familles modestes venues des cités HLM, les lotissements périurbains jouent le même rôle ambivalent, entre espace de promotion et zone de relégation. » (p. 268). Il n’est donc pas question d’assimiler lotissements périurbains et recherche de l’entre-soi même si les propriétaires les mieux dotés financièrement et socialement cherchent à s’imposer comme véritables « entrepreneurs de morale » en faisant peser sur les populations immigrées issues des cités HLM un véritable stigmate. Oui, il y a bien un envers au décor pavillonnaire !
Catherine Didier-Fèvre © Les Clionautes