« Toute la Gaule est divisée en trois parties, dont l’une est habitée par les Belges, l’autre par les Aquitains, la troisième par ceux que nous appelons Gaulois, et qui dans leur langue se nomment Celtes. Ces nations différent entre elles par la langue, les institutions et les lois. Les Gaulois sont séparés des Aquitains par la Garonne, des Belges par la Marne et la Seine. Les Belges sont les plus braves de tous ces peuples : étrangers aux mœurs élégantes et à la civilisation de la province romaine, ils ne reçoivent point du commerce extérieur ces produits de luxe qui contribuent à énerver le courage ; d’ailleurs, voisins des peuples de la Germanie qui habitent au-delà du Rhin, ils sont continuellement en guerre contre eux. Par la même raison, les Helvètes surpassent en valeur le reste des Gaulois : ils luttent chaque jour avec les Germains pour les repousser et pour pénétrer eux-mêmes sur leur territoire ».

Nombreux sont les étudiants qui eurent à commenter cet extrait du Livre 1 de la Guerre des Gaules de César, personnage auquel Alessandro Garcea, professeur de littérature latine et d’histoire des textes à la Sorbonne (et membre honoraire de l’Institut universitaire de France), a consacré une impressionnante anthologie sous le titre de Tout César.

Celle ci s’articule autour de trois grands axes respectivement intitulés « Les œuvres fragmentaires », « les Commentaires » et « Continuer l’œuvre de César ».

Imperator Iulius Caesar Divus, le réformateur

Dans un large propos liminaire, Alessandro Garcea revient sur les nombreuses charges politiques qu’eut à assumer César et sur les réformes et innovations dont le dictateur fut à l’origine : augmentation du nombre des sénateurs, nomination de consuls subrogés (suffecti), octroi du droit de cité aux médecins et à ceux qui « enseignaient les arts libéraux » à Rome, volonté de codifier les lois et de créer une bibliothèque publique, réforme du calendrier ou encore proposition de « fixer des lois générales » en matière de langue et d’éloquence.

L’orateur Jules César

Orateur de premier ordre, Aulu-Gelle écrit ainsi (p.45, 13) qu’ il était « un homme d’un génie hors de pair, surpassant tous ses contemporains par l’extrême pureté de sa langue », César reçut l’enseignement de Gaius Iulius César Strabon Vopiscus et d’Antonius Gnipho. Les talents du divin Jules en matière d’éloquence peuvent aussi s’apprécier à travers le miroir de l’œuvre cicéronienne comme le démontre Alessandro Garcea. L’historien écrit ainsi (p.24) que « César a été le protagoniste non seulement de l’histoire romaine, mais aussi de la vie culturelle de son temps, à laquelle il a fourni des apports tout aussi originaux que trop souvent ignorés ».

La première partie de l’opus évoque, en sus des qualités d’orateur de l’homme, ses discours (on y apprend, entre autres, que César fut le premier à prononcer les éloges funèbres d’une jeune femme), son traité sur la langue latine (L’Analogie), son traité sur l’astronomie (De astris), l’Anti-Caton (un pamphlet), ses poèmes (la production poétique de César a été presque entièrement perdue) et le Recueil de bons mots et enfin sa correspondance (Alessandro Garcea écrit, page 103, que « César attribuait une importance fondamentale aux échanges épistolaires, particulièrement nombreux, qu’il entretenait : il introduisit de nouvelles pratiques de rédaction des lettres, tantôt semblables à de véritables pamphlets, adressés au sénat et censés être rendus publics, tantôt cryptées grâce à un code d’écriture secret »).

La seconde partie est consacrée aux Commentarii, la Guerre des Gaules et la Guerre civile, textes assortis de prolégomènes replaçant les œuvres dans leur contexte et offrant à chaque fois une bibliographie de référence.

La dernière partie, « Continuer l’œuvre de César », présente le livre 8 de la Guerre des Gaules dont la paternité serait à attribuer à Hirtius, et la Guerre d’Alexandrie (dédiée à la campagne d’Égypte de 47), la Guerre d’Afrique (qui évoque la campagne de César dans l’actuelle Tunisie entre décembre 47 et juillet 46) et la Guerre d’Espagne (qui se termine par la victoire de Munda en 45), dont les auteurs demeurent anonymes.

Tout César est un ouvrage de très grande qualité scientifique et une somme de premier ordre pour qui s’intéresse à l’histoire ancienne. Le faible coût de l’ouvrage en fait en outre un outil très abordable et la recension opérée avec brio par Alessandro Garcea permettra, dans une visée à caractère pédagogique, d’alimenter avec profit des séquences consacrées à l’histoire romaine.

C Grégoire Masson