Alors qu’une sixième crise d’extinction massive, mille fois plus rapide que celles des temps géologiques et causée par les activités humaines, est en cours, et que la crise climatique, largement étudiée par la plateforme du GIEC, est connue de tous, la biodiversité et sa plateforme correspondante, l’IPBES (Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques), sont, elles, encore largement ignorées. Elles le sont tellement qu’il est possible, aujourd’hui, d’être ouvertement « biodiversité-sceptique », d’ignorer, voire de contredire publiquement, les expertises collectives faisant la synthèse de milliers de publications scientifiques. Il est également inquiétant que les risques liés à cette crise de la biodiversité soient encore souvent ignorés ou non-identifiés comme tels par nos sociétés.
La biodiversité est partout : nous nous en nourrissons, la plupart de nos médicaments en sont issus, nos vêtements en sont tissés. La Convention pour la diversité biologique la définit comme la « variabilité des organismes vivants de toute origine y compris, entre autres, les écosystèmes terrestres, marins et autres écosystèmes aquatiques et les complexes écologiques dont ils font partie ». Cette biodiversité est issue de l’évolution et évolue en permanence.
Afin de faire connaître et comprendre la biodiversité, l’Institut Ecologie et environnement (INEE) du CNRS a choisi de publier « Tout comprendre (ou presque) sur la biodiversité », un court ouvrage qui aborde avec simplicité et de manière graphique la question complexe de la biodiversité. Il s’agit du deuxième ouvrage de la collection « Tout comprendre (ou presque) », un premier ayant été consacré au climat en 2022.
L’objectif de cet ouvrage est de présenter la crise majeure d’extinction actuelle, de provoquer une prise de conscience et de faire comprendre qu’assurer notre autonomie alimentaire, ou préserver notre santé et un environnement hospitalier, passent par de meilleures connaissances qui permettront de stopper ou d’atténuer cette crise.
Pour cela, l’ouvrage répond à vingt questions sur le sujet, sélectionnées car elles concernent des fondamentaux de connaissances incontournables, à commencer par « qu’est-ce que la biodiversité ? », des sujets notoirement incompris ou des enjeux de société importants. Philippe Grandcolas, directeur adjoint scientifique de l’Institut Ecologie et Environnement du CNRS, s’est entouré de 23 conseillers, chercheurs, enseignants-chercheurs, écologues, évolutionnistes et autres spécialistes. Les illustrations, pédagogiques et amusantes, ont été réalisées par Claire Marc, médiatrice scientifique et facilitatrice graphique.
Cet ouvrage graphique, très intéressant et bien construit, propose de rendre compte des recherches récentes sur la biodiversité, faisant la synthèse de milliers de recherches effectuées sur le terrain et en laboratoire, ainsi que de nombreuses publications, comme le montre l’abondante biographie à la fin. L’idée est que pour chercher des solutions à la crise d’extinction actuelle, il est nécessaire de bien comprendre ce phénomène et ses enjeux. L’objectif est également de lutter contre la désinformation, le scepticisme, les idées reçues et, surtout, l’ignorance.
Comment est organisé l’ouvrage ?
L’ouvrage commence par une intéressante préface de Valérie Masson-Delmotte, chercheuse CEA au LSCE-IPSL, et co-présidente du groupe de travail 1 du GIEC, et une courte introduction de Philippe Grandcolas, qui présentent de manière claire les objectifs de l’ouvrage, ainsi que les grands enjeux liés à la biodiversité.
« Tout comprendre (ou presque) sur la biodiversité » est organisé en vingt chapitres qui se présentent sous forme de questions ou d’idées reçues sur le sujet. Chaque chapitre est réalisé avec l’aide de scientifiques, sous la forme de sketchnotes, avec des explications scientifiques concises mais très précises, agrémentées d’illustrations, de symboles et de chiffres qui rendent plus concrètes et aisées à comprendre ces connaissances scientifiques. Après avoir présenté la biodiversité, son utilité, ce qu’est un écosystème et l’évolution des espèces, l’ouvrage répond à de nombreuses autres questions, qui abordent les enjeux les plus incontournables. La question n°10, « Qu’est-ce qui fait disparaître une espèce », est fondamentale pour comprendre les crises anciennes et l’actuelle.
J’ai particulièrement apprécié la question n°6 qui explique pourquoi nous parlons toujours des mêmes espèces (l’ours blanc, le tigre, le panda…), alors qu’en 30 ans, 30% des oiseaux communs ont disparu en France et que près de 80% des insectes volants auraient disparu de certaines parties d’Europe.
Comme dans « Tout comprendre (ou presque) sur le climat », chaque chapitre commence par une définition simple du phénomène étudié, qui détricote les idées reçues qui lui sont associées pour mieux l’expliquer. Après ces explications de quelques pages, les chapitres sont conclus par un « mot de la fin » qui propose une synthèse et ouvre à la réflexion. Ces chapitres sont régulièrement accompagnés de réflexions philosophiques, mettant en évidence de véritables débats de sociétés, et invitent à s’interroger et à faire des recherches plus approfondies sur ces différents sujets. La question n°8, « Peut-on parler d’une nature vierge ? », est représentative de cette imbrication de connaissances scientifiques, d’idées reçues et de réflexions philosophiques.
Un ouvrage clé pour comprendre la biodiversité et notre monde
J’espère que les deux ouvrages Tout comprendre (ou presque) sur le climat et sur la biodiversité sont le début d’une longue série. Comme pour le climat, le CNRS offre un excellent ouvrage de vulgarisation scientifique, à la fois précis et pédagogique.
Les nombreuses illustrations, toujours ludiques et pertinentes, permettent d’expliquer simplement des phénomènes parfois complexes et abstraits pour nos élèves, et, parfois, pour nous-même. Des extraits peuvent facilement être réutilisés en classe, comme supports visuels à du cours magistral ou pour créer des activités. Au-delà d’être très accessible, bien construit et agréable à lire, c’est également un très bon outil pour lutter contre l’ignorance et les « biodiversité-sceptiques », ainsi qu’une invitation à nous interroger sur la biodiversité, ce thème fondamental mais trop souvent méconnu.