Les ouvrages portant sur le changement climatique prospèrent dans nos librairies à l’image de l’engouement et de l’inquiétude que prend cette question dans la société. Ce livre vient s’ajouter à cette longue liste en proposant une analyse par questions afin d’apporter des clés de compréhension précises sur les interrogations ayant trait à la climatologie et à l’impact du changement climatique sur les sociétés humaines et leur gouvernance.

Cela justifie que cet ouvrage soit écrit à 4 mains. Gilles Ramstein a rédigé la partie « climatologie ». En tant que directeur de recherche au CEA (Laboratoire des sciences du climat et de l’environnement), son domaine de prédilection est la paléoclimatologie, soit l’étude des climats anciens. Sylvestre Huet représente la dimension plus sociétale et politique du changement climatique de par son parcours de journaliste à Libération, animant encore aujourd’hui le blog {Sciences²} sur le site du journal Le Monde.

L’ouvrage est ainsi séparé en deux parties distinctes de 50 questions. Le format parait simple mais il est intéressant de constater que le format 2-3 pages de réponse par question, permet malgré tout de rentrer dans les détails explicatifs et éviter de rester dans l’annonce de faits déjà éculés et manquant de précision. Le défaut qu’on pourra soulever réside dans le format lui-même car la rédaction des réponses laisse penser qu’elles ont été traitées les unes indépendamment des autres. Cela amène à des répétitions qui peut amener le lecteur à aller plus vite sur certains points quand la lecture respecte l’ordre des 100 questions proposées. On aurait pu apprécier également des études plus précisément spatialisées, notamment dans la seconde partie.

« Histoire et mécanismes du climat »

La première partie « Histoire et mécanismes du climat » se propose de revenir sur des « Généralités » (Q. 1 à 8) avec des questionnements basiques mais essentiels pour éviter les confusions basiques comme la différence entre le climat et la météorologie et une remise en perspective historique de l’évolution climatique, depuis la formation de la Terre. Le jeu d’échelles temporelles et spatiales amènent à un des points importants du livre : nos climats évoluent constamment mais notre évolution récente n’a rien de comparable dans l’histoire planétaire en terme de rapidité. La deuxième partie propose d’étudier « Le Système Terre » (Q.9 à 21) par une explication des logiques climatiques actuelles. Cette étude explique le rôle de chaque composante de la planète comme l’atmosphère (Q. 11), l’océan (Q.12) ou encore la végétation (Q.14 et 15). En associant chacune de ces questions, on peut ainsi brosser un tableau complet des capacités planétaires à supporter l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre. La troisième partie « Reconstruction et modélisation des climats » (Q.22 à 25) explique la manière dont les climats peuvent être compris (l’intermédiaire des carottes de glace évoquées dans la Q. 23) et ainsi proposer des modèles prédictifs pour le futur. La quatrième partie, « Le climat et l’évolution de l’homme : des grands singes à homo sapiens » (Q.26 à Q. 50) constitue un quart du livre et replace les évolutions climatiques par rapport à la place de l’Homme, de l’Antiquité à nos jours. On peut ainsi rappeler que notre climat s’inscrit dans une dynamique « froide » de la planète mais que l’ère industrielle bouleverse cette équilibre inter-glaciaire. Le développement des extrêmes climatiques (Q. 42 et 43), la problématique de l’effacement du Gulf Stream (Q.44) permettent de montrer les perturbations très rapides de la planète, à une échelle temporelle jamais atteinte auparavant (Q.48) tout en évitant certains raccourcis (le fameux « trou de la couche d’ozone » à la Q.38).

« Le réchauffement climatique et ses effets »

La seconde partie de l’ouvrage intitulée « Le réchauffement climatique et ses effets » commence par un développement sur « La géopolitique du climat » (Q. 51 à 56). Elle permet de replacer les différents acteurs transnationaux de la gouvernance climatique comme la Convention Climat (Q.51 et 52) ou l’intérêt des accords de Paris. On peut ainsi explorer la difficulté de la décision politique entre tous les Etats du monde et les inégalités qui font peser les principaux dangers sur les populations les plus vulnérables (expliquant l’apparition du concept de « justice climatique »). Une partie est consacrée au « GIEC, expertise de la science » (Q.57 à 64) et permet de mieux connaître cet organisme d’experts sur le climat, son fonctionnement et pourquoi son expertise peut être considéré comme fiable, de par son fonctionnement. L’auteur en profite ainsi pour s’attaquer aux climato-sceptiques (Q.62). La partie « Les risques du changement climatique » (Q.65 à 76) nous amènent à des problématiques socio-économiques par la mise à mal des milieux et des activités humaines par le dérèglement du climat. Les terroirs agricoles transformés (Q.69), les migrations climatiques (Q. 68) ou encore la gestion des ressources en eau montrent les conséquences multiples pour les sociétés tout en relativisant l’opinion collapsologique (Q.76). Vient ensuite (tardivement peut-être) la question des « énergies et le climat » (Q.77 à 88) qui rappelle l’enjeu de la ressource énergétique pour notre monde et pour la sauvegarde du climat. Les auteurs insistent sur l’importance du caractère décarboné de l’énergie, essentiel pour maintenir une augmentation de température limitée. On pourrait faire remarquer la place du nucléaire qui est montrée de manière très positive (de par son émission très faible en CO²) mais avec une remise en cause critique plutôt limitée (l’évocation des problématiques des déchets nucléaires n’est pas évoquée, la dangerosité de cette énergie évoquée très rapidement). Les avantages et inconvénients des autres énergies apparaissent mieux mises en perspective. L’avant dernière partie, « L’économie du changement climatique » (Q.89 à 96) questionne notre mode de fonctionnement et la mondialisation des conséquences climatiques. La question de la fiscalité écologique, équilibre difficile source de tensions sociales (Gilets Jaunes récemment) ou de la consommation des citoyens, amènent des éléments de réflexion très utiles, notamment pour des élèves. La dernière partie sur « La France » (Q.97 à 100) replace notre pays dans son engagement climatique, un pays qui montre des efforts mais qui a aussi grandement augmenté sa consommation énergétique via ses importations. Le modèle de la mondialisation peut ainsi être redébattu.

Ce livre est sorti avant le confinement, ce qui aurait pu amener une réécriture de certains points (la question du supposé « bienfait » du confinement pour l’environnement) mais l’ensemble synthétique permet une compréhension relativement aisée, utilisable avec des élèves dans le cadre de la compréhension des enjeux climatiques. Par ses nouvelles figures comme Greta Thunberg ou actions comme les marches pour le climat, ce livre permet de sortir de la position purement idéologique et d’y associer des arguments scientifiques. Un ouvrage utile à tout citoyen pour se construire son opinion et envisager des solutions citoyennes ou politiques.