Voici un récit autobiographique d’une jeune artiste belge, Emilie Saitas, que l’on peut qualifier de « bo-bo écolo », telle qu’elle se définit elle-même page 7 : « Moi Emilie. Dessinatrice BD. Végétarienne. Courses bio. Fringues d’occas. Trie et composte ses déchets. Vote écolo ». Emilie Saitas réside dans l’ancienne banlieue rouge, au sud de Paris, actuellement en cours de gentrification.

Partant du constat que son environnement est fortement pollué, cette artiste s’interroge sur son mode de vie et son mode d’habitation. Pourquoi vivre dans un territoire urbain pollué ? Suite aux périodes de confinement, elle se questionne : comment concilier habitat et convictions écologiques ? C’est ainsi qu’elle décide de rencontrer plusieurs personnes qui ont fait le choix de faire correspondre leurs convictions écologiques, sociales et politiques à leur mode d’habitat. Munie de son sac à dos, elle part à la découverte de « tout un monde ».

Une enquête sur les habitats alternatifs

Pour commencer, elle décide de chercher des informations précises sur les habitats écologiques : maison bioclimatique, maison passive ou maison autonome, ainsi que les habitas légers (kerterre, yourte, roulotte etc.). La méthode employée pour s’informer est le témoignage, retranscrit fidèlement à chaque dessin. Des planches précises et douces à la fois.

La bande dessinée est ensuite constituée de chapitres qui présentent chacun la manière d’habiter de personnes différentes, comme une réflexion à grande échelle de l’expérience d’habiter.

On découvre ainsi des lieux d’habitat hors-du commun comme un dôme de 12 m², un éco-lieu (qui allie roulotte, maison partagée, camion-maison, toilettes sèches), une tiny house, une hutte en chaux-paille servant d’atelier. Tous ces habitats sont présentés par leurs habitants et dessinés avec moult détails par l’auteure. Une photographie en noir et blanc de ces personnes clôture la fin de chaque chapitre .

On comprend que toutes les personnes appliquent le principe des 5 R : elles refusent tous les produits à usage unique, réduisent leurs achats, réutilisent les objets, rendent à la terre (compost, poulailler), et recyclent. L’objectif zéro déchets est recherché. Tous ces habitats, radicalement différents de l’habitat citadin que l’auteure cherche à fuir, sont présentés par leurs habitants qui ont tous en commun une volonté de faire coïncider convictions écologiques et pratiques au quotidien.

A chacun de se faire une opinion…

Certains passages pourront laisser tout de même le lecteur dubitatif, voire perplexe. En effet, si le lecteur souhaite transposer ces habitats à sa propre vie, il se heurte à des situations-problèmes. Ainsi, lorsqu’une personne interrogée explique qu’elle a renoncé à utiliser des matériaux type béton, plaquo pour se concentrer sur des matériaux ayant un faible impact écologique (torchis fait maison, parquet en chêne local, faïence en terre locale), le lecteur ne peut que s’interroger sur le coût financier de ces choix. De même, des témoins affirment privilégier au maximum le troc et le paiement en espèces pour ne pas dépendre du système bancaire : l’aspect financier de tous ces choix manque dans ces témoignages pour en donner une vision complète (comment vivre de la sorte ?). En outre, un lecteur habitant en zone périurbaine faiblement connectée aux transports en commun, ne peut effectuer tous ses « déplacements quotidiens à vélo ou à pied ». Ou lire une éloge de l’accouchement physiologique pour lequel « le travail aura duré en tout 27 heures » peut laisser dubitative toute femme ayant remercié l’existence des maternités des hôpitaux publics lors de complications. Enfin, prendre uniquement sa douche dans les campings ou dans les douches des bains publics pourrait rebuter un lecteur qui hésiterait à franchir le pas vers un mode de vie plus respectueux de l’environnement. Néanmoins, Emilie Saitas montre au lecteur avec ses dessins détaillés que certaines choses sont possibles et qu’une démarche vers un habitat plus écologique est non seulement envisageable mais possible… sans omettre de souligner les difficultés auxquelles certains témoins se sont heurtés lors de leur installation. Sans chercher à émettre de jugement, les entretiens entre l’autrice et les habitants incitent le lecteur à réfléchir sur son propre mode d’habiter.

Des gestes simples au quotidien ou la méthode des petits pas

Il faut attendre la fin de la bande dessinée pour que l’auteure partage sa prise de conscience sur son mode de vie. Tous ces témoignages lui ont permis de mener une réflexion personnelle sur les sujets suivants : écologie, énergie, économie, développement personnel, alimentation, solidarité. Elle termine par trouver un exemple de mise en pratique pour chacun des sujets énumérés pour déclarer finalement « c’est pas si mal que ça finalement… pour un début ! ».

Pour conclure, cette bande dessinée présente habilement des habitats alternatifs, des choix de vie menés autant par des couples que par des familles avec enfants. Le dessin est précis, permettant aisément au lecteur de se représenter ces habitats écologiques.