Martine Gasparov est professeure de philosophie à l’Ecole et lycée des métiers d’art et du désign. Elle a publié des ouvrages de vulgarisation de la philosophie et a participé à l’élaboration de manuels pour Belin Education. C’est dans le cadre d’un partenariat entre Belin Education et la Boite à Bulles qu’elle propose une adaptation BD des différentes notions du programme de Terminale. L’illustratrice en est Emilie Boudet.

Tout comme pour la recension des manuels d’économie de la même maison d’éditions, le regard que je porte sur ces ouvrages est celui d’une professeure d’histoire-géographie convaincue de l’importance de l’interdisciplinarité et de la richesse du dialogue avec les autres disciplines. La lecture des quatre ouvrages me convainc d’utiliser certaines de ses planches dans le cadre de notre travail avec des élèves en EMC, dans une réflexion sur la technique, sur l’art, sur le rapport à la nature ou sur la vérité au sein de nos cours. L’approche globale adoptée est très cohérente, suit la forme d’une démonstration construite et s’inscrit dans le cadre des notions attendues par les programmes scolaires de philosophie. Néanmoins certaines planches sont particulièrement intéressantes et exploitables pour nos enseignements.

 

Les ouvrages suivent la même démarche. C’est efficace. Ils débutent par la définition des termes du sujet, par leur étymologie, par la définition des antonymes et des champs lexicaux. Il y a ensuite des démonstrations sous forme de dissertation dans lesquelles on trouve des schémas et des définitions de termes précis, des BD racontant des histoires issues de la mythologie (le mythe de Prométhée, le mythe de la caverne) ou utilisées par des auteurs, des présentations des thèses de philosophes (Race et histoire de Claude Levi-Strauss), des portraits de philosophes et des dialogues imaginaires sous la forme de dissertation entre philosophes et personnages …  Les dessins et croquis sont particulièrement clairs. Le graphisme est simple et t agréable.

Le premier ouvrage sur la Vérité aborde quatre grandes questions. La première est « Peut on distinguer le vrai du faux ? » et la deuxième « Pourquoi le chemin vers la vérité est-il si difficile ? ». C’est ici qu’on trouve une présentation de l’allégorie de la caverne et une réflexion sur cette question « la liberté de penser fait elle peur ?». Cette approche critique peut, il me semble contribuer à nourrir des débats en EMC. Le chapitre suivant apporte des pistes sur « Comment parvenir à la vérité ? » et explique la méthode cartésienne, l’importance de la démonstration, des questions sur les vérités, les certitudes, le doute. Ce sont des questions certes posées différemment mais que l’on aborde avec nos élèves quand nous leur expliquons la démarche de réflexion sur les analyses de document, sur la vérité en histoire, sur l’importance de remettre en cause nos sources. Cette question « comment sait-on que c’est vrai ce qu’on voit en histoire ? » est une question récurrente des Seconde et des collégiens et certaines planches peuvent ici être exploitées. Le quatrième chapitre répond au problème « Doit-on toujours dire la vérité ? » et évoque plusieurs pistes : la question du ciment social, de la morale kantienne, du secret médical et du mensonge légitime pour Machiavel.

Le deuxième ouvrage porte sur la Nature et pose de nombreuses réflexions sur les questions environnementales. Dans un premier temps, c’est la problématique « La nature se définit-elle par opposition à l’artificiel ? » qui est analysée. Puis la question « Peut-on distinguer nature et culture ? » pose la problématique des liens entre l’homme et l’animal et étudie la vision de Rousseau et celle de Montaigne. Une approche particulière du travail de Descola sur les sociétés animistes est très intéressante. Enfin dans un troisième temps, c’est une réflexion sur le problème suivant « Avons-nous des devoirs envers la nature ? »: l’homme est-il conquérant, « maître et possesseur de la nature », y-at-il des droits sur les animaux. L’ouvrage se termine avec la présentation du concept élaboré par Aldo Léopold « penser comme une montagne ».

Le troisième manuel traite la notion de technique. Dans une première partie intitulée « La technique, une spécificité humaine ? », l’auteur définit les notions et les différents types de technique, analyse le travail de Lévi-Strauss et expose dans quatre très bonnes pages le mythe de Prométhée et ensuite l’approche d’Aristote sur la main. Dans une deuxième partie, en répondant à la question « Le perfectionnement des techniques est-il un facteur de progrès pour l’humanité ? » est mis en évidence l’ambivalence des techniques pharmakon – remède et poison en même temps. Une page, la page 25, peut être parfaitement reprise pour illustrer le cours de Première d’HGGSP sur le thème de l’information et des techniques. En effet, elle pose le problème des techniques d’information actuelles avec une vignette sur les GPS et les cartes papier (et une pensée de ma part pour la mobilisation pour que l’IGN conserve les cartes papiers fondamentales dans les zones blanches de randonnée en particulier). Dans les pages suivantes, des réflexions intéressantes sur les techniques de l’écrit et du rapport aux idées. Le dernier chapitre sur « les nouvelles technologies sont-elles libératrices ? » est lui-aussi passionnant avec des pages consacrées au temps libéré ou temps perdu, au téléphone (p.36), aux problèmes des transformations du rapport à l’espace et au temps, aux problèmes techniques et éthiques et enfin au transhumanisme. Il me semble que cet ouvrage est sûrement le plus exploitable avec des élèves de lycée.

Le quatrième manuel aborde et étudie la notion d’art. Dans un premier temps, c’est la notion d’art qui est interrogée et définie. La réflexion sur le patrimoine de l’humanité peut être faire écho au cours d’HGGSP sur la notion de patrimoine. La présentation de l’affaire Brancusi est particulièrement intéressante pour montrer comment un procès a permis de poser les notions d’œuvre d’art(p. 16 à 20). Dans un deuxième temps, une réflexion sur l’art et la réalité est menée. La question de l’imitation est au cœur du sujet. Le troisième chapitre porte sur le travail de l’artiste et la question du génie puis le dernier enfin sur l’art et la morale.