Dario BATTISTELLA, un monde unidimensionnel, presses de Sciences-Po, 2011, 15 euros.

Dans cet ouvrage clair, précis et didactique, l’auteur, Dario Battistella, enseignant à Sciences-Po, démontre que depuis le XVIe siècle le monde est sous la coupe hégémonique d’une seule puissance, d’où le titre : un monde unidimensionnel. Se succèdent ainsi l’Espagne au XVIe siècle, la France au XVIIIe siècle, puis au XIXe siècle la Grande-Bretagne et enfin au XXe siècle les États-Unis. Face à l’hégémonie d’un Etat, les autres se coalisent de façon cyclique, donnant lieu à des guerres et à un changement de la puissance prépondérante en question car c’est toujours quand il y a égalité entre puissance qu’il y a risque de guerre !

Aujourd’hui, la supériorité américaine, latente dès le début du XXe siècle, révélée et assumée comme telle pendant la seconde guerre mondiale et qui n’a pas été remise en cause par la guerre froide (URSS n’avait pas le niveau économique pour la contrer) est système stable. Les États-Unis ne sont pas menacés par une guerre, leur domination étant intériorisée comme telle par les puissances secondaires.

De fait, au niveau économique les États-Unis sont une fois et demie plus puissants que la deuxième puissance économique mondiale à savoir la Chine et sept fois plus que la France. L’écart est encore plus grand en ce qui concerne le budget militaire. Celui des États-Unis augmente depuis les attentats du 11 septembre mais reste cependant moins élevé que pendant la guerre froide, preuve qu’aujourd’hui la menace est considérée comme moins forte que celle de l’Union soviétique alors. Le budget militaire des autres Etats diminue sauf celui du Japon qui de par sa Constitution ne peut qu’être faible. La politique étrangère de sécurité commune mise en place par l’Union Européenne n’a pas la volonté d’équilibrer la puissance des États-Unis. D’ailleurs plusieurs Etats appartenant à l’Union Européenne appartiennent aussi à l’OTAN. Il s’agit donc plutôt d’un partenariat que d’une rivalité. La supériorité permet aux États-Unis de choisir leur politique, les autres Etats devant se contenter de suivre ou non. Certes on peut parfois empêcher les États-Unis de faire ce qu’ils veulent mais aucun Etat, aucune organisation ne peut les obliger à faire ce qu’ils ne veulent pas. Bref les États-Unis sont susceptibles d’affecter beaucoup plus les autres que ceux-ci ne peuvent les affecter eux-mêmes. Reste pour les puissances secondaires à se ranger à leur avis ou au moins à ne pas le contrecarrer. Actuellement la prépondérance américaine est d’autant plus acceptée que les Etats-Unis n’apparaissent pas comme une menace mais, au contraire, comme éléments de sécurité, dans une communauté de valeurs (démocratie, libéralisme) partagées par les Européens, les potentiels futurs adversaires (la Russie et la Chine) n’ayant pour l’instant pas les moyens de s’opposer.

L’auteur appuie sa démonstration sur de nombreux exemples pris dans l’histoire (controverse de Valladolid, guerre de 30 ans, guerre napoléonienne…). On l’aura compris, voici un livre, à la fois rigoureux, plaisant et facile à lire, dont tout professeur pourra se servir afin problématiser les nouveaux programmes de lycée et donner aux élèves de Première et de Terminale, voire à tout étudiant, des clefs de compréhension du monde dans lequel ils évoluent !