Jack Jackson Une autre histoire de l’Amérique. Éditions Delcourt-23,95 € – 320 pages.
Scénario : Jack JACKSON
Dessin : Jack JACKSON
Série : Une autre histoire de l’Amérique
Collection : OUTSIDER

Découverte par hasard dans l’une des rares librairies biterroises il s’agit de la maison Clareton située à proximité du théâtre sur les allées Paul Riquet de Béziers. qui maintient encore une certaine qualité, cette publication de la collection comics des éditions Delcourt a été pour ma part une véritable révélation. Je ne suis pas habituellement amateur de ce genre qui trouve ses racines dans la bande dessinée underground de la côte Ouest des États-Unis dans les années 70. J’apprécie davantage, on s’en doute, les albums de l’école franco-belge avec de solides références historiques.

En parcourant rapidement quelques planches, j’ai été amené à demander cet ouvrage en service de presse aux éditions Delcourt, un service de presse dont il faut saluer la réactivité et le professionnalisme. Nous disposons à cet égard d’un site dédié pour les professionnels qui permet de récupérer sans difficulté aucune quelques planches et les couvertures des albums en redéfinition.
Jack Jackson, le scénariste et dessinateur de cette « autre histoire de l’Amérique » est né en 1941 au Texas. Il a fait ses débuts dans la bande dessinée underground mais à partir des années 70 il s’est lancé dans la bande dessinée historique en reprenant en partie certaines techniques de dessin du type comics mais en les adaptant à de très solide scénario historique. L’ouvrage que nous avons eu la chance de recevoir est inédit en France. Il apporte un éclairage très particulier sur des épisodes que l’on croit connaître grâce au cinéma hollywoodien, et notamment à partir du film Fort Alamo dans lequel joue Richard Widmarck et John Wayne dans le rôle de Davy Crockett.

La vision qui est présentée par Jack Jackson est tout à fait différente de celle qui a été immortalisée par le film que nous citons. L’histoire du Texas qui appartient à l’État mexicain au début du XIXe siècle pourrait à certains égards rappeler ce qui a pu se produire dans l’histoire tout aussi tumultueuse de l’Ukraine, y compris avec les événements actuels.
Possession de l’État mexicain le Texas reste très éloigné des préoccupations du pouvoir politique en place à Mexico. Un mode de vie original s’y développe avec des propriétaires terriens créoles et des Vaqueros, les premiers vrais cow-boys qui mélangent culture hispanique et références anglo-saxonnes. C’est que le Texas suscite les convoitises de la population nord-américaine, de langue anglaise et de culture européenne. Davy Crockett serait d’ailleurs le descendants d’une famille de huguenots français. Dans cet ouvrage ce ne sont pas les héros qui luttent jusqu’à la mort dans le fort d’Alamo en 1837 qui sont les personnages principaux. Ce sont ces populations métissées, les tejanos, qui luttent pour la liberté du Texas mais qui se retrouvent finalement broyés entre deux logiques, celle d’un État mexicain en plein bouleversement jusqu’au début du XXe siècle et la colonisation, il n’y a pas d’autres mots, des nord-américains que l’on désigne très clairement sous le nom de Yankees.

Au passage le Texas fait le choix, lors de la guerre de sécession, de la Confédération, et le héros de fort Alamo David Bowie, connu pour son célèbre couteau est très clairement esclavagiste.

La question de la terre et du bétail est évidemment centrale dans cette histoire, et cela permet à Jack Jackson de réalisé les planches en noir et blanc particulièrement détaillées. On retrouve aussi bien dans le scénario que dans le dessin une approche naturaliste. Les hommes vivent et meurent en référence à la terre qu’ils foulent de leurs pas et qui les fait vivre. Ces habitants du Texas sont représentés par un homme dont la trajectoire est exceptionnelle et qui participe aux convulsions de ce territoire, il s’agit de Juan Séguin, un homme qui a cherché à concilier la culture et le mode de vie hispanique avec la modernité venue du Nord. Cela lui a assez peu réussi d’ailleurs puisqu’il est considéré comme un traître successivement par les uns comme par les autres.

Le parti pris de l’auteur n’est pas de vouloir insérer à tout prix cette histoire du Texas dans la confrontation entre l’État mexicain et les États-Unis. Son parti pris est bien celui d’une histoire texane, celle de sa terre où il a vu le jour et où il choisit de mourir en 2006.

Cette bande dessinée demande une certaine concentration pour être appréciée à sa juste valeur. Il n’y a pas véritablement de héros positif pas plus qu’il y a un camp qui peut exprimer une quelconque supériorité morale. Jack Jackson arrive à rendre compte des tourments intérieurs des personnages broyés par une histoire qu’ils vivent intensément. La violence est partout, et dans chacune des planches et le dessinateur parvient à la rendre familière à défaut d’être plaisante.
Encore une fois, c’est une vraie découverte et je ne peux que conseiller aux amateurs de western, à ceux qui s’intéressent à l’histoire du continent américain de se précipiter chez leur libraire préféré. Ils ne seront pas déçus et ils reviendront sans doute plusieurs reprises dans cette histoire du Texas.
Cette terre d’aventure vaut sans doute mieux que les personnages de la série Dallas et le ranch de la famille Bush, même si elle a déjà donné deux président aux États-Unis.

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