Afin de mieux adapter ses politiques en faveur des jeunes, l’Etat a confié à l’Injep (Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire) la mission de réaliser des études, des enquêtes et des synthèses sur la jeunesse. Cet ouvrage rend compte de ce travail longitudinal mené, auprès des jeunes de 18 à 29 ans, avec les enquêtes Valeurs menées en collaboration avec l’Arval (Association pour la recherche sur le système des valeurs).

La cheville ouvrière de ce travail est Bernard Roudet, chargé d’études et de recherche à l’Injep, décédé en 2013. Olivier Galland, le sociologue de la jeunesse, a dirigé cet ouvrage publié dans une première édition en 2012, paraissant aujourd’hui en édition de poche.

Travailler sur l’évolution des valeurs exige de savoir ce que l’on entend par valeurs. « Pour les sociologues comme Emile Durkheim ou Max Weber, l’unité d’une société se fonde sur les valeurs partagées, sur des « idéaux collectifs » transmis aux individus. (…) Afin d’évaluer ce qui fait la stabilité d’une société, mais aussi ce qui peut la faire bouger, il est important (…) d’analyser ce processus de changement des systèmes de valeurs, de repérer comment les individus recomposent leurs systèmes de valeurs et de comprendre ainsi les tendances d’évolution d’une société. » (p. 11).

Ainsi, cette étude montre que les jeunes d’aujourd’hui se sont détachés des mouvements contestataires de l’organisation de la société, cette dernière étant moins clivée par classes d’âges qu’en 1981, même si le niveau d’études entre énormément en ligne de compte. Parallèlement, la montée de l’individualisation s’accompagne d’une mise en avant des valeurs de tolérance allant de pair avec un désir de cadres et d’autorité, à rapprocher du quart des jeunes les moins diplômés montrant un attrait pour un régime autoritaire. La famille tient toujours une place centrale chez les filles comme les garçons sans que les formes diversifiées d’organisation de la famille ne soient un obstacle à l’égalité entre les sexes. A rebours des discours publics, la valeur travail n’est pas remise en cause par les jeunes (70% des jeunes, contre 68% des plus de 30 ans, estiment le travail comme un domaine très important de la vie en 2008).

Publié dans la collection Paroles d’experts, cet ouvrage comporte des graphiques à la lecture complexe (voir les figures du chapitre 1) malgré les commentaires qui les accompagnent. Par ailleurs, il faut garder à l’esprit que les dernières enquêtes ont été réalisées avant la crise économique et la confirmation de la montée du FN (2007 et 2008), et ainsi relativiser les constats optimistes qui en ont été tirés : « Globalement, l’intolérance est limitée, chez les jeunes comme chez les adultes, et elle apparaît en baisse depuis l’enquête de 1999. Le rejet en fonction des critères ethniques ou religieux et le rejet des immigrés, notamment, sont fortement minoritaires chez les jeunes. Ils diminuent entre 1999 et 2008, tout particulièrement en ce qui concerne les musulmans (- 7 points) et les gitans (- 15 points). » (p. 62).

La continuité générationnelle (« allant de 18 ans à 50 ans, voire 60 ans » p. 259) mise en avant dans cet ouvrage fait qu’il n’y a plus vraiment de rupture sur le plan des valeurs. « Les parents sont devenus des accompagnateurs dont la tâche est d’aider les jeunes adultes en devenir à faire leur place, progressivement, dans la société. » (p. 260) En revanche, au sein des jeunes eux-mêmes, un clivage intragénérationnel existe en fonction des atouts scolaires. L’école a donc un rôle central à jouer.

Catherine Didier-Fèvre © Les Clionautes