Maran Hrachyan est une jeune autrice qui a précédemment publié une bande dessinée sur Patrick Dewaere. Comme il s’agit d’un polar, il ne faut surtout pas trop en dire pour laisser le plaisir de la découverte au lecteur. Aussi, pour une fois, le compte-rendu de l’ouvrage sera volontairement elliptique et je vous propose plutôt de découvrir l’univers de cette autrice avec un entretien réalisé avec elle en septembre 2023 lors de sa tournée de présentation de la bande dessinée.
Un album sur une jeune femme d’aujourd’hui
Brune est une belle et jeune femme parisienne. Souvent, elle sent le regard des hommes sur elle. Ce jour là, elle se rend à une soirée entre amis qui va changer sa vie. Fatiguée, elle décide de rentrer chez elle. C’est à ce moment là qu’un ami, Alex, se propose de la raccompagner. Jusque là tout va encore bien, mais les choses commencent à changer quand au lieu de la déposer chez elle comme prévu, il ramène Brune chez lui. La jeune femme accepte néanmoins de monter boire un coup avec lui. Alex se fait de plus en plus insistant et veut la violer. Elle se défend… Ce n’est là que le début d’une nuit pleine de rebondissements où on croisera d’autres connaissances de la jeune femme…
Interview de l’autrice
Qui êtes-vous ?
Pour commencer, quelques éléments biographiques
Vous avez trente ans, vous êtes d’origine arménienne et vous êtes installée en France depuis 2015 à Angoulême. Vous avez sorti en 2021 votre première bande dessinée qui était consacrée à Patrick Dewaere. Vous publiez aujourd’hui votre deuxième album intitulé « Une nuit avec toi ». Vous êtes actuellement en tournée pour le présenter.
Maran et la peur « Il y a beaucoup de choses qui me font peur. J’ai peur des fantômes, des voleurs, j’ai peur du noir et j’ai peur des agressions. Je me suis dit, il vaut mieux en rigoler ou en parler. En racontant des histoires, ça va m’aider ».
Maran et les couleurs
« J’adore ça. A mes yeux, la couleur ajoute beaucoup de choses, beaucoup d’ambiance. Ce n’est pas accessoire, ça crée pour moi toutes les émotions, c’est une façon de donner la vie ».
Maran et sa façon de travailler
« Je dessine au début au crayon et j’ajoute les couleurs numériquement. J’ai un atelier en collectif avec sept autres dessinateurs. C’est très libre, mais j’aime bien le matin aller là-bas. J’aime bien échanger avec les autres auteurs, sur nos histoires, nos scénarios. J’y suis de 9 heures à 19 heures. Un regard d’extérieur voit parfois mieux que nous-mêmes. Mais, de temps en temps, quand j’en ai un peu marre, je reste quelques jours à la maison. Cette BD m’a pris deux ans ».
« Une nuit avec toi »
Qui est Brune ?
« C’est une femme d’aujourd’hui, qui se trouve séduisante et qui peut jouer de sa séduction. Mais par contre, elle ne sait pas faire confiance à ses intuitions, elle est gentille mais déterminée. Elle ne sait pas dire non. Elle a peur aussi tout simplement et, en même temps, elle évolue par l’expérience qu’elle vit. C’est une femme active qui veut maîtriser son destin. Je voulais que à la fin qu’on comprenne qu’elle a appris quelque chose sur elle ».
Dessiner pour dénoncer ?
« Le but n’est pas de dénoncer quelque chose. Je voulais faire une histoire d’action, avec des questions que je me pose ».
Polar féministe, polar social, polar ou autre chose ?
« Je suis féministe, je suis autrice mais je ne suis pas une autrice féministe. Je ne veux pas qu’on m’étiquette parce que ce n’était pas le point de départ. Je voulais aborder certains sujets par le biais du polar ».
Un exemple de planche
« Il y a peu de texte en général dans ma BD. J’aime beaucoup quand les cases parlent toutes seules. Quand on est avec quelqu’un, il y a des silences, on se comprend. J’aime bien quand ça respire un peu. Le travail c’était justement de faire comprendre qu’il se passe des choses sans forcément les dialogues. Je voulais parler de l’ambiguïté dans l’amitié entre hommes et femmes. Dans des moments comme cela, il n’y a pas forcément de paroles, ça se passe par des gestes, de façon très rapide. Moi j’impose un rythme, mais sans savoir comment le lecteur va lire ».
Que voulez-vous ajouter ?
« Beaucoup de ceux qui ont lu la BD ont décrit l’héroïne d’une certaine façon et c’est drôle, mais j’ai l’impression que comme l’héroïne est une femme, on a plus de critiques sur elle. Si ça avait été un homme, on n’aurait pas été étonné de certaines choses qu’elle fait dans la BD ».
Entretien réalisé en septembre 2023 à Besançon à la librairie « Mine de rien ». Merci à Thierry et à son équipe pour l’accueil.