« Population & Avenir, revue indépendante alliant rigueur et pédagogie, vous présente une analyse originale des enjeux actuels. Vous y trouverez une source d’informations, de réflexions et d’argumentaires amplement illustrés par des cartes, des graphiques, des tableaux, des schémas… »
ÉDITORIAL par Gérard-François DUMONT
PROSPECTIVE DES LOIS TERRITORIALES EN FRANCE
L’auteur de demande comment vont évoluer les textes législatifs régissant les territoires français. Plusieurs scénarios sont envisagés.
1er scénario : un scénario prolongeant les lois antérieures. Celles-ci s’appuient sur le dogme « big is beautiful » : de grandes régions, de grandes métropoles, de grandes intercommunalités. Le risque est une centralisation des compétences et du pouvoir, provoquant son éloignement des citoyens et une montée de l’abstention, notamment dans les périphéries. 2ème scénario : un scénario privilégiant les réalités locales. Il s’agirait alors d’inverser la tendance pour privilégier la concertation et le dialogue selon une approche ascendante (dite bottom-up). 3ème scénario « pause » : un scénario évaluation et correction. Les questions territoriales ne font plus l’objet de législations.
L’auteur plaide pour un 4ème scénario qui établirait un diagnostic précis pour amender les textes à chaque fois qu’ils se traduisent par plus de bureaucratie, par des services plus coûteux, et par des risques pour la démocratie locale, qui est le socle de la démocratie.

DOSSIER par Gilles POUPARD
L’URBANISATION DU LITTORAL : UN ESSOUFFLEMENT ?
Vivre en bord de mer est le rêve de beaucoup de français et, selon les enquêtes, leur lieu d’habitation préféré. A l’échelle national, on assiste donc depuis plusieurs dizaines d’années à un phénomène d’urbanisation du littoral. Mais « litturbanisation » se poursuit-elle ou, au contraire, connaît-elle des freins ? L’auteur propose de répondre à cette questions avec l’étude de la région française ayant le plus long linéaire côtier (2700 km) : la Bretagne.
Le littoral breton compte 36% de la population de la Bretagne, soit 1,16 millions d’habitants. La densité y est de 240 habitants au km². Elle est 2,6 fois plus élevée qu’à l’intérieur des terres et 2 fois plus élevée que les moyennes de la région Bretagne (120) et de la France métropolitaine (115). L’armature urbaine est marquée par le littoral. 13 communes littorales figurent par les 20 premières communes bretonnes. Seules la capitale, Rennes, et Quimper ne sont pas littorales. 257 communes, soit une sur cinq, sont situées sur le littoral.
Entre les recensements de 1975 et 2012, la population des communes littorales s’accroit de près de 142000 habitants supplémentaires (+3800 par an), soit +13%. La densité du littoral breton passe donc de 211 à 240 habitants au km². Les petites communes (moins de 5000 habitants) assurent l’essentiel (80%) de la croissance démographique du littoral. 25 communes littorales doublent au moins leur population. Entre 1975 et 2012, l’urbanisation du littoral breton est donc significative. Au recensement de 2012, 20 communes littorales dépassent 10000 habitants contre 12 au recensement de 1975. Contrairement à une idée reçue, pour la période 1975 à 2012, la croissance démographique est toutefois plus faible sur le littoral breton que dans les terres (+32%). L’essentiel de la croissance démographique bretonne se déroule donc dans les terres : avec plus de 500 000 personnes supplémentaire. La part de la population du littoral dans le total de la Bretagne est donc en diminution de 40% en 1975 à 36% en 2012. Cette baisse de la part démographique du littoral dans la population se vérifie dans les 4 département bretons.
En Bretagne, la croissance de la population littoral subit un coup d’arrêt après 2007. La baisse de la population est de plus en plus répandue sur le littoral. Près d’une commune littorale sur 3 voit donc sa population diminuer. Plusieurs facteurs expliquent cet essoufflement, voir cette arrêt ou cette inversion de la croissance démographique sur le littoral de la Bretagne. Certains facteurs sont communs au littoral et à l’intérieur des terres comme un épuisement progressif des possibilités physiques de l’extension urbaine. D’autres facteurs sont plus spécifiques au littoral : une application de plus en plus stricte de la loi littoral de 1986, un poids grandissant des résidences secondaires, un niveau de prix élevé sur le littoral qui empêche les familles et les jeunes de s’y installer, un solde naturel de plus en plus réduit, voire négatif, en lien avec le vieillissement de la population sur le littoral.
Depuis 1975, le littoral breton a connu des transformations significatives : hausse sensible de son urbanisation, boom des résidences secondaires, vieillissement marqué de sa population et accentuation de l’économie présentielle. Mais un essoufflement de la litturbanisation semble se dessiner. La Bretagne doit relever les enjeux de renouvellement de son urbanisation et de son modèle touristique pour mieux « produire et résider sur le littoral breton ».

DOCUMENT PÉDAGOGIQUE (libre de droits)
LES ÉVOLUTIONS DÉMOGRAPHIQUES SUR LE LITTORAL DE LA BRETAGNE

EXERCICE PÉDAGOGIQUE par Eric GACHET
LE TOURISME, UNE MOBILITÉ HUMAINE TRANSNATIONALE : LES BALÉARES, UN LIEU TOURISTIQUES MONDIALISE
Dans le cadre du programme de géographie de 4ème, cet exercice propose d’étudier les Baléares, comme exemple d’un lieu touristique mondialisé. Dans une première étape, les élèves sont invités à rédiger un questionnaire avec l’outil numérique Quizlet. Dans une deuxième étape, ils doivent étudier des documents (1 photographie, une carte et un texte) pour définir les concepts de centre et de périphérie dans la mondialisation. Dans une troisième étape, la production écrite peut prendre la forme d’une présentation avec le logiciel Comphone. Une mise en perspective est proposée ainsi qu’une possibilité d’utilisation de l’exercice au lycée.

LE POINT SUR…par Xavier DESJARDINS et Daniel BEHAR
LES RÉGIONS FRANÇAISES ENFIN AMÉNAGEUSES DU TERRITOIRE ?
Dès l’origine, les régions ont possédé des compétences d’aménagement du territoire souvent partagées avec l’Etat et les autres collectivités territoriales notamment dans les infrastructures et les équipements. Mais elles semblaient relativement impuissantes pour orienter les documents d’urbanisme réalisés par les communes et leurs groupements. La loi NOTRe pour Nouvelle Organisation Territoriale de la République, demande dorénavant à chaque région l’élaboration d’un schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (le SRADDET). Avec le schéma régional de développement économique (SRDEII), ils constituent le socle d’affirmation des deux compétences historiques de la région : l’aménagement du territoire et le développement économique.
Des périmètres régionaux élargis, l’affichage de nouvelles compétences : la région semble pouvoir peser significativement sur l’aménagement du territoire. Mais elle reste limitée par de dures permanences de la géopolitique locale. On peut distinguer 3 risques : politique, administratif mais surtout territorial. En matière d’aménagement, les régions pourraient se concentrer sur le « hors-métropoles ». Pourtant, les compétences de la région, en charge de développement économique, ciblent nécessairement les grandes villes. En charge de l’innovation, les régions mettent l’accent sur les centres de recherche et les universités, localisées principalement dans les métropoles. Elles ont également en charge du transport ferroviaire régional. Bref, la région par la nature de ses compétences à un tropisme métropolitain. Dans ces conditions, beaucoup de régions risquent de réduire leur discours d’aménagement du territoire à un vœu de « compensation » en direction des territoires non-métropolitains. Mais avec leurs faibles budgets, les régions ne peuvent aucunement jouer la carte de la redistribution financière entre les territoires.
L’enjeu est donc avant tout celui d’un renouvellement de la planification entre les différents territoires.

ANALYSE par Stanislas MUSIAL
LA POLOGNE ET LA CRISE MIGRATOIRE EN EUROPE
L’Europe connaît la plus grande crise migratoire depuis la Seconde Guerre Mondiale, mais celle-ci concerne de façon différenciée les Etats membres, dont les positions divergent. Par exemple, la Pologne connaît « un hiver démographique ». Elle devrait accueillir d’ici 2050, 5 millions de migrants économiques, dont 1 million dès les 5 prochaines années pour enrayer la baisse de la population active. L’immigration provient essentiellement de pays situés à l’Est de l’UE, à commencer par les Ukrainiens. La grande vague de migration constatée depuis le « printemps arabe » en 2011 n’a guère concerné la Pologne.
Cette situation aurait pu changer après la décision européenne de septembre 2015, établissant un quota des migrants que chacun des pays de l’UE devait accueillir sur un principe de relocalisation des migrants présents dans des camps au sud de l’UE. Sur un total fixé à 16000, 6182 étaient prévus pour la Pologne. Mais la Diète de Pologne rejette la décision du Conseil de l’UE du 22 septembre 2015. Pour elle, les instruments de la politique migratoire doivent rester de la souveraineté de l’Etat polonais. Une telle procédure par quota serait une menace pour l »ordre social en Pologne, la sécurité de ses citoyens, le patrimoine civilisationnel et l’identité nationale. Selon le gouvernement polonais, cette politique des quotas favoriserait les passeurs et un appel d’air, et surtout ne prend pas en compte la question de l’intégration des nouveaux arrivants. Il considère prioritaire le renforcement de la protection des frontières extérieurs de l’UE. C’est pourquoi il soutient l’action de l’agence européenne de garde-frontière et de garde-côtes.
Pour les Polonais, l’immigration comporte des aspects positifs de nature démographique et économique. Cependant le gouvernement définit des origines géographiques souhaitables. Il souhaite favoriser les Ukrainiens et les Biélorusses proches des Polonais culturellement et religieusement. De plus dans le cadre du groupe de Visegrad, la Pologne a annoncé la création d’un mécanisme de crise migratoire (RMM), dont le but est de renforcer ou d’établir une coopération entre les institutions gouvernementales traitant de la migration dans les pays du V4, l’échange d’informations, la recherche conjointe de nouvelles solutions et une réponse coordonnée aux défis de la crise migratoire.