Pour ce nouveau numéro de la Documentation Photographique, la géographie est à l’honneur par l’étude de la question des littoraux. Ce volet a été confiée à la maitresse de conférence Annaig Oiry dont la thèse s’est attachée à développer la place des énergies renouvelables dans la transition énergétique vis-à-vis des territoires littoraux. Sa recherche inclut aussi les conflits d’usages qu’ils pouvaient engendrer. Elle travaille désormais au laboratoire « Analyse Comparée des Pouvoirs » et au laboratoire « Géographie Physique » à l’Université Gustave Eiffel de Marne-la-Vallée.
Comme à son habitude, l’édition de la Documentation Photographique nous propose un outil de compréhension complet de la problématique des littoraux. En première partie, Annaig Oiry propose un état des lieux complet de l’étude des littoraux. Elle aborde à la fois sa dimension physique, économique et environnementale.
Après un propos introductif, la première partie du point porte sur la connexion des littoraux par rapport à la mondialisation. De manière précise, il est rappelé le lien existant entre la terre et la mer par l’importance des façades maritimes dans les échanges internationaux (p°3). La place des ports et de leur restructuration, de par les politiques néolibérales, permet de comprendre leur recomposition, en terme fonctionnel et paysager (p°4). Le port est ainsi proposé comme un « espace frontière » (p°4). Cela permet d’insister sur la dimension géopolitique du littoral, partagé entre des conflits d’aménagement et d’usage, et via les fonctions qui s’y côtoient (industrie, tourisme…).
La dimension économique constitue la seconde partie via les utilisations économiques du littoral. Par l’analyse diachronique, Annaig Oiry amène à remettre en cause le modèle de la zone industrialo-portuaire (p°5), vu comme la politique européenne d’intégration des ports à l’économie maritime mondialisée mais mise en échec par la concurrence asiatique. De nouvelles formes d’exploitation se sont développées comme l’économie résidentielle et le tourisme, prenant la place des activités plus traditionnelles (pêche). Une chronologie du tourisme (p°7) rappelle l’historique de cette activité. Elle apparait au 19ème siècle puis connait un fort développement au 20ème siècle jusqu’à être remis en cause via le tourisme de masse au 21ème siècle. Le phénomène de patrimonialisation (p°8), propre à certaines villes, concerne également les littoraux. En effet, la mise en tourisme de constructions humaines amène ces paysages à devenir des marqueurs identitaires forts. Pour finir, la pêche et l’agriculture littorale se transforment et entrainent des recompositions fortes via des territoires productifs emblématiques (p°9).
La troisième partie amène à faire le lien avec l’inégale intégration des espaces littoraux (p°10-11). Certains territoires connaissent une intégration excessive, amenant à des contraintes urbanistiques et à des fragilités inhérents aux littoraux (submersion, érosion des sols…). D’un autre côté, certains littoraux restent marginalisés, de par une accessibilité complexe ou par un milieu naturel inadapté (mangroves). Annaig Oiry introduit même une dimension culturelle via les littoraux de l’entre-soi, notamment pour des communautés homosexuelles, en recherche d’isolement (le littoral gay de Jouraud et Leroy).
La dernière partie porte sur la place des littoraux face aux changements environnementaux, notamment dans une démarche prospective. La montée des eaux ou les dangers autour de la biodiversité marine (p°14) permettent de questionner les réponses mondiales et locales (p°15) pour limiter les impacts territoriaux (aires maritimes protégées, lois françaises sur l’installation urbaine littorale comme la loi Bachelot de 2003…).
La seconde partie de l’ouvrage permet des développements plus précis et illustrés. Quatre axes reprennent la réflexion de l’auteur et amènent à des études de cas pertinentes, notamment pour les enseignants.
La première partie repose sur la place des littoraux dans la mondialisation. Des précisions sur des ports centraux de la mondialisation (Singapour, p°26)) ou des façades maritimes (la Chine, p°18).
La deuxième partie centre sur les inégalités. Les activités que concentrent les littoraux amènent à des connexions plus ou moins grandes avec la mondialisation. On peut ainsi citer la piraterie (golfe de Guinée, p°30), le tourisme de la mer Noire (p°32) ou les bidonvilles haïtiens (p°34).
La troisième partie développe le lien entre la nature et les activités économiques. Les activités traditionnelles comme la pêche (p°46) et les activités plus modernes (l’algoculture p°50, les énergies marines p°52) permettent de constater de nouvelles formes de territorialités littorales.
La dernière partie illustre les difficultés des littoraux face au changement climatique. Des précisions sur des cas emblématiques enrichissent la réflexion. Les îles du Pacifique constituent un défi face à la submersion (p°54). Les littoraux posent aussi la question des risques technologiques à l’image de la catastrophe de Fukushima (p°56).
La Documentation Photographique se démarque encore par sa qualité de présentation et sa clarté. Annaig Oiry a ainsi su développer de manière complète les enjeux autour d’un territoire aux multiples facettes. Son regard associe une vision très physique et des représentations culturelles qui structurent notre imaginaire du littoral (chansons de marins, caractère sinistre des ports). Les fiches détaillées permettent donc une vision complète de ces thématiques tout en étant très utile pour des études de cas dans le Secondaire.