L’ouvrage ici proposé s’inscrit dans une collection « Pédagogies » qui propose aux « enseignants et formateurs …des œuvres de référence associant étroitement la réflexion théorique et le souci de l’instrumentation pratique ». C’est en effet ce qui frappe tout de suite à la lecture de ce livre, de vouloir envisager théorie et expérimentation ensemble. Cela a un avantage majeur qui est de ne pas verser, soit dans le catalogue de recettes de cours, soit dans la réflexion hors-sol.
Un dispositif pour impliquer le lecteur
Le livre comporte trois niveaux de lecture clairement présentés en introduction : cinq chapitres comme « cinq manières de comprendre » les mutations du métier d’enseignant. Ensuite, dix tendances durables qui changent l’éducation, déclinées en autant de points, soient cent balises, repérables grâce à un pictogramme spécial, et enfin des ressources, des auto tests identifiables également grâce à un liseré rouge qui ont pour but d’enrichir le quotidien des pratiques. L’ouvrage comprend un nombre important de prolongements sous forme de QR codes qui développent des exemples signalés dans le livre. Il propose de très nombreux tableaux de synthèse, schémas et questionnaires. Tous ces éléments sont également accessibles depuis le site Esf http://esf-scienceshumaines.fr/accueil/283-des-enseignants-qui-apprennent-ce-sont-des-eleves-qui-reussissent.html
Développement professionnel : de quoi parle-t-on ?
Ce chapitre introductif pointe dix tendances majeures dans l’éducation actuelle. Cela permet de faire le point en rappelant par exemple qu’on assiste aujourd’hui à l’internationalisation des questions d’éducation comme en témoigne l’importance accordée aux évaluations Pisa. Parmi les autres points saillants, François Muller souligne qu’il y a nécessité à entériner les acquis de la recherche des sciences cognitives, de croiser des disciplines et de développer les partenariats. Le chapitre se termine en interpellant le lecteur pour qu’il puisse se situer par rapport à toutes ces tendances de fond. Il propose également une réflexion sur la question du changement dans l’éducation et souligne que parfois un infime changement peut provoquer des bouleversements importants : c’est ce qu’il nomme le clinamen.
L’enseignant : ses cadres et ses pratiques
Après des exercices introductifs pour sensibiliser le lecteur, François Muller incite d’abord l’enseignant à réfléchir à sa gestion de classe au quotidien au moyen d’une grille avec onze rubriques elles- mêmes subdivisées en de multiples items. La deuxième partie de l’ouvrage est la plus fournie et elle ne peut néanmoins être exhaustive. François Muller choisit cinq points d’entrée : construire la relation, l’évaluation, l’organisation, la coopération et l’innovation. Parmi les ressources intéressantes, on peut signaler la liste qui propose vingt manières différentes de reconnaitre la valeur du travail des élèves. L’auteur incite le lecteur-enseignant à repérer les dix items qu’il met déjà en pratique et les cinq qu’il pourrait utiliser. Toujours dans cet esprit de réussite des élèves, il évoque les travaux de John Hattie en proposant une synthèse utile de quelques principes qui bénéficient aux élèves. Le chapitre se poursuit en proposant dix pistes d’action vers la différenciation pédagogique. A chaque fois, on trouve des prolongements à télécharger pour avoir des exemples plus précis. François Muller apporte d’autres documents de travail pour organiser des EPI par exemple. Il faut noter également une très intéressante approche sur les systèmes d’apprentissage. François Muller passe ainsi en revue un certain nombre de tendances qu’il définit en quelques lignes qui sont autant d’ouvertures, de suggestions pour l’enseignant. Parmi elles, il parle de « apprendre à apprendre », ou « amène tes appareils en cours » ou encore « l’apprentissage par le jeu ». Se voulant une trousse à outils, mais pas seulement, l’auteur envisage la question du numérique à travers une vingtaine d’idées.
Ce sont les élèves qui en parlent le mieux
François Muller commence ce chapitre par une question à la fois essentielle et difficile à trancher, à savoir qu’est ce qu’un bon professeur ? Il s’appuie sur les travaux de Stéphanie Leloup qui permettent d’envisager les réponses du côté des élèves et du côté de l’enseignant. Il aborde la question fondamentale des apports des neurosciences et met en évidence quatre facteurs qui facilitent les apprentissages. Il s’agit de l’attention et de la focalisation, de l’engagement et de l’autoévaluation, du retour d’information et de l’erreur et enfin de l’automatisation et les routines.
Conseils d’(ex) pairs
Ce chapitre plus court insiste néanmoins sur un point fondamental qui concerne les relations à l’intérieur d’un établissement avec quelques exemples d’interactions. Ainsi, qu’est ce qu’un bon professeur d’après cette fois les critères d’un chef d’établissement ? Il aborde aussi la question très récente de la réforme de l’évaluation des enseignants. Là encore, il propose de nombreux outils d’auto-positionnement qui sont autant de portes d’entrée pour réfléchir à ses pratiques.
Le développement professionnel continu pour l’enseignant
On peut signaler, dès l’amorce de ce chapitre, les dix questions à se poser pour s’engager dans son propre développement professionnel et réussir avec ses élèves. Par exemple, savez-vous dire à un élève « c’est bien » de dix manières différentes ? François Muller invite en permanence à se questionner sur ses propres pratiques. Parmi les autres points auxquels réfléchir, on peut s’interroger aussi sur le fait d’ouvrir ou non sa classe. Il faut reconnaitre que ces interrogations, si on veut bien se donner la peine de prendre le temps d’y réfléchir, aident à penser son métier et son évolution.
François Muller propose donc un ouvrage très utile et l’on pourra conseiller de le lire une première fois et de le garder à proximité de soi pour y revenir. En tout cas, il remplit pleinement son rôle en nourrissant la réflexion de l’enseignant sur ce qu’il est, sur ce qu’il fait car comme le dit l’auteur : « « Le développement professionnel a un début, il n’a pas de fin ».
© Jean-Pierre Costille pour les Clionautes