Veille et sécurité sanitaires, derrière ce titre ardu, se cachent des dispositifs mal connus des Français (et même des géographes) dont les médias se font écho lors des crises sanitaires. Faire le point sur ces structures et leur efficacité est l’objet de la revue Horizons stratégiques.*

La revue Horizons stratégiques est une revue publiée par la Documentation française. C’est la revue trimestrielle du Centre d’analyse stratégique, un organisme rattaché au Premier Ministre. Elle a pour but de publier des études relatives à l’évolution des sociétés contemporaines. Le comité scientifique est composé d’universitaires francophones (IEP Paris, Ulm, EHESS, CNRS… pour ne citer que les références françaises). Chaque trimestre, la revue consacre un dossier de 60 pages à un thème. Le reste du volume s’articule autour d’articles qui traitent des violences urbaines de 2005, du projet Euromed (article de Pierre Beckouche et Jean-Louis Guigou) ; de comptes-rendus de lecture. C’est un outil qui mérite d’être fréquenté régulièrement par la richesse de son contenu.

Les Agences sanitaires

Les acteurs de la veille et de la sécurité sanitaires sont les agences sanitaires. Au nombre de 9, aujourd’hui, certaines existent depuis les années 1960. La plupart ont été créées dans les années 1990. Ces agences ont le statut d’établissement public administratif (EPA) ou d’établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC). Elles sont soumises à la tutelle de l’Etat, même si il n’y a pas de rapports hiérarchiques avec celui-ci. Pour n’en citer qu’une : AFFSSA (Agence Française de Sécurité Sanitaire de l’Alimentation).
Le passage du terme de « santé publique » à celui de « sécurité sanitaire » date des années 1990, dans le contexte des crises à répétition (sang contaminé, amiante, vache folle). A ce moment, est apparue la nécessité de montrer, pour l’Etat, qu’il avait une mission de sécurité à remplir auprès des populations. Le contexte de médiatisation des scandales et de la judiciarisation de l’action publique pousse à mettre en place des agences pour se protéger des risques. La création de nouvelles agences dans les années 1990 a pour vocation de rétablir la confiance de l’opinion dans l’action publique. Ces agences se veulent indépendantes du pouvoir politique et des acteurs économiques.
Des agences de ce type existent à l’échelon européen. Ce type de pratique est particulièrement répandu dans les pays scandinaves.

Evaluation du système de sécurité sanitaire français

Les deux crises (surmortalité liée à la canicule de 2003 et épidémie du Chickungunya en 2005-2006) ont mis en évidence l’importance du dispositif de veille sanitaire. Un rapport a donc été commandé. L’existence des agences sanitaires renforce encore l’administration. La mise en place d’une politique de santé coordonnée est loin d’être facile aux vues du nombre des acteurs. La politique de sécurité sanitaire a permis la mise en place d’un dispositif institutionnel et un corpus législatif et réglementaire. Le principe de précaution est mis en œuvre dans un souci d’impartialité et de transparence. Il existe des réseaux de détection des risques sanitaires mais les moyens manquent (surtout dans les DOM). Des moyens sont mobilisés pour des causes médiatisées alors que ces moyens manquent pour des situations qui les requerraient. La lutte contre la tuberculose est délaissée au profit d’épidémies et de maladies plus médiatiques. Les experts manquent de données statistiques pour mettre en œuvre des plans de lutte contre certains risques. De même, le nombre de médecins inspecteurs est bien trop faible pour pouvoir avoir une action significative.

La retranscription d’un débat (entre Olivier Borraz, Virginie Gimbert et Didier Torny) est la partie la plus intéressante du dossier. Les participants posent la question des échelles de gestion du risque sanitaire. Dans le contexte de la mondialisation, les trois chercheurs se demandent quelle est la pertinence d’une gestion nationale des risques sanitaires. Il semble pourtant que le maillage administratif territorial soit le mieux approprié pour repérer les risques. Ils mettent l’accent sur les difficultés d’une gestion sanitaire européenne. La question des fromages au lait cru divisent les membres de l’UE : les pays nordiques voudraient les interdire ! Il existe bien un dispositif mondial de surveillance des épidémies (GOARN) animé par l’OMS mais ils ne voient pas comment, à terme, l’échelle mondiale peut être adaptée pour régler des problèmes de l’ordre du bioterrorisme, de la radioactivité. On touche là aux relations internationales, aux compétences propres des Etats.

A la lecture de ce dossier, il apparaît que le risque zéro n’existe pas et qu’il faut s’enlever de la tête que les Etats sont responsables de tout ce qui peut arriver. Pour les auteurs, il serait préférable de s’attaquer à des chantiers périphériques à la santé : état du logement, éducation alimentaire, … si l’on veut faire des progrès significatifs. La gestion des crises concentre l’attention de tous alors que les véritables problèmes sont au quotidien.

On regrettera que les exemples concrets ne soient pas assez présents dans le dossier. Des études de cas de gestion de crise auraient été bienvenues. Quelques passages sont particulièrement techniques, surtout quand ils traitent des enjeux financiers de la politique sanitaire dans le cadre de la LOLF. La lecture du débat est en revanche très accessible et amène à réfléchir. Elle peut alimenter la réflexion des professeurs qui enseignent la géographie des risques (en seconde, mais finalement à tous les niveaux).

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