La question de la santé et du développement durable n’est plus le monopole des médecins et des écologistes. Les élus locaux se saisissent de ces notions. C’est parce que l’on entend par santé « un état complet de bien être physique, mental et social » (cf. définition de l’OMS) que celle-ci est du domaine des villes. Elle touche le logement, les transports, le travail, l’environnement, l’école et la culture. Elle a donc toute sa place dans les Agendas 21.

L’Institut des villes (groupement d’intérêt public, crée en 2001 ; présidé par Edmond Hervé, maire de Rennes et président de Rennes Métropole) a rassemblé des professionnels de la santé, de l’urbanisme, des élus, des chercheurs pour faire le point sur cette question. Il a été fait appel à des auteurs – acteurs nationaux et internationaux (Québec, République Tchèque, Royaume Uni, Pays Bas, Italie…) pour traiter de ce problème.
L’ouvrage s’organise en six grands chapitres, regroupant pas moins de 84 contributions. En annexe, se trouve le programme des séminaires préparatoires (2005 – 2006) à ce volume ainsi que les adresses des organismes d’appartenance des auteurs et une bibliographie par chapitre.

Les acteurs

L’Etat, la région et le département se partagent l’essentiel des compétences légales en matière de politiques sanitaires. Pourtant, c’est bien à l’échelle locale que l’essentiel se joue. Il n’existe aucun texte précisant les compétences des maires en terme de santé publique. Dominique Gillot, ancienne ministre de la santé et aujourd’hui maire d’Eragny sur Oise, reconnaît aux maires un rôle important : ce sont eux qui informent des besoins dans ce domaine. Les élus locaux ont à répondre à de nombreux défis : offrir des logements de qualité tout en luttant contre l’étalement urbain. Ces défis sont d’autant plus importants que 80% des citoyens de l’Union Européenne vivent en ville. La pollution, le bruit, la circulation automobile sont au cœur du concept de ville durable et d’une politique publique de la santé.
Pour aider les élus locaux, l’OMS a mis en place depuis 15 ans le mouvement Villes – Santé (1200 villes y ont adhéré en Europe mais il n’y en a que 50 en France !). L’idée de départ, d’après l’OMS, est que seulement 25% de notre capital santé est déterminé par notre héritage génétique. 15% relève des services sanitaires et 60% dépendent de nos conditions de vie. A noter : Vincent Hussenot, adjoint au délégué interministériel au développement durable ne donne pas du tout les mêmes chiffres quelques pages plus loin dans le livre ! Quoi qu’il en soit, il est donc possible d’agir facilement sur les 2 derniers indicateurs. Cette action s’inscrit dans la lignée des hygiènistes du XIX° siècle et de la Charte d’Athènes. L’impact de cette dernière est à relativiser quand on pense aux dérives du modèle des grands ensembles. Les problèmes rencontrés dans les cités ne sont pas occultés dans l’ouvrage.
Les moyens au service des maires ne manquent pas pour allier santé, ville et développement durable : Agendas 21, loi SRU (solidarité et rénovation urbaine), charte de l’environnement, PLU (plan local d’urbanisme), PDU (plan de déplacements urbains). L’intercommunalité est encouragée même si elle ne permet pas de satisfaire tous les besoins en matière de santé publique et de développement durable. Il apparaît que les habitants, par le biais d’associations surtout, ont un rôle à jouer dans le trio ville – santé – développement durable.

Des exemples d’action

L’ouvrage livre des expériences intéressantes qui ont été menées dans le double domaine de la santé et du développement durable. Ainsi, c’est en réaction aux grands ensembles que sont construites les villes nouvelles dans les années 1960. Le principe de base est celui de la recherche d’un équilibre entre habitat – emploi, commerces – loisirs, équipements sportifs et culturels, espaces naturels – paysage urbain. Une manière de faire du développement durable avant la lettre, même si le rapport emploi – logement n’a pas toujours été optimal. Ces villes nouvelles sont confrontées aujourd’hui à un problème particulier : le vieillissement de leur population, accéléré par la structure de la population (les jeunes qui sont venus s’installer dans les années 1960 vieillissent tous en même temps). La ville de Saint Quentin en Yvelines a donc décidé de mettre en œuvre un dispositif de prise en charge des personnes âgées (Gérondicap) en développant l’aide à domicile. L’intercommunalité a permis de mettre en œuvre de ce projet.
Les chantiers ne manquent pas : lutte contre le bruit, lutte contre l’obésité en encourageant les habitants à faire de l’exercice d’une manière ou d’une autre, améliorer la qualité de l’air, lutter contre les nuisances olfactives, améliorer l’habitat…

Prospective

Le dernier chapitre commence par une citation de Braudel : « L’avenir ne se prévoit pas, il se prépare ». Il propose donc un retour sur les expériences menées par le passé et met en garde les élus contre l’effet de mode, qui amène à prendre des décisions malheureuses. C’est ainsi que les villes ont été construites pour l’automobile. Aujourd’hui, le concept de développement durable semble être un retour de balancier mais les auteurs mettent en garde contre des décisions trop rigides. Privilégier les modes de transports doux, oui mais tout en laissant la place à d’autres transports moins écologiques. Pour être efficace, les changements doivent se faire en douceur et répondre aux attentes de la société. Il faut penser sur le long terme pour mettre en œuvre une ville durable, visant à une amélioration de la qualité de vie des citadins. Les chantiers sont nombreux : logement, transport, vieillissement de la population. Avant de les mettre en œuvre, il faut s’efforcer d’évaluer l’impact des décisions que l’on pourrait prendre. Des outils existent : plan local de santé, études d’impact sur la santé, cartes de santé. Il faut donc les utiliser à l’échelle locale.

Les parties les plus intéressantes de cet ouvrage sont celles qui présentent des études de cas, des exemples mis en œuvre dans des villes (Amiens, Rennes, Bourgoin Jalleu, Chalon sur Saône…) même si ces articles manquent de cartes et de plans pour permettre de prendre la mesure du travail engagé (y compris l’article intitulé Les cartes de santé, un outil de prospective). Ces articles constituent une sorte d’annuaire d’idées pour les élus. De même, quelques articles sont particulièrement lumineux. Celui de Brigitte Moissonnier, ingénieure du génie sanitaire, Comment l’habitat agit sur la santé, celui de Marie – Christine Jaillet, directrice de recherche au CNRS (UMR 5193) Logement et santé, une question et des interactions complexes ou bien encore celui de Jean Luc Pinol Les villes européennes et la santé publique de 1800 à 1950. A noter également : les articles sous – titrés points de vue qui offrent une prise de position démonstrative, voire engagée, de leur auteur.
Cela tranche avec la tendance générale à l’auto-satisfaction du volume, alliée à un style d’écriture « administrative », qui lasse rapidement le lecteur (la lectrice en l’occurrence !). De même, beaucoup de redondances sont à souligner d’un article à l’autre : la définition de la santé selon l’OMS apparaît un certain nombre de fois dans les introductions des articles ! Nombreux sont les articles dont les auteurs ont bien eu du mal à relier les 3 notions. Certains s’attachent plus à la connexion ville – développement durable et à d’autres à celle de ville et santé.

Copyright Les Clionautes.