Aggée Célestin Lomo Myazhiom est à la fois historien, sociologue (Université Marc Bloch, Strasbourg et Université de Dschang au Cameroun) et un intellectuel africain engagé. Il travaille depuis de nombreuses années sur les implications sociales du VIH – sida en France, en Afrique et partout dans le monde.
Comme dans l’opus précédemment commenté (http://www.clionautes.org/?p=1443 ), l’auteur entame son volume par des témoignages : le témoignage d’une Camerounaise et celui d’un Français. Mettre à disposition des jeunes lecteurs ces témoignages est important. Cela permet vraiment de prendre la mesure de la maladie. Le recours au témoignage est la base du travail de ONU SIDA ou de sites internet comme Human Rights Watch. C’est donc une très belle idée. Toutefois, si le témoignage du séropositif français permet de bien comprendre l’irruption de la maladie dans sa vie (en cela, ce texte peut être rapproché du discours développé dans le très beau film d’André Téchiné « Les témoins », sorti en mars 2007), celui de la femme camerounaise laisse assez perplexe. Dans son texte, cette femme semble dire au lecteur que pour lutter contre le VIH – Sida, il suffit d’avoir de la bonne volonté et du courage. Si ces deux éléments sont essentiellement dans la lutte de toute maladie ; contre cette maladie, cela ne suffit pas. Cette femme a la chance de faire partie de ces séropositifs qui ne développent pas les symptômes de la maladie. Quatorze ans après la découverte de sa séropositivité, elle ne connaît pas les graves ennuis de santé que la maladie entraîne. De plus, à aucun moment, dans son témoignage, elle explique comment elle a contracté la maladie : rapports sexuels ? contamination en milieu hospitalier ? C’est dommage car c’est par la lecture de témoignages de contamination que peut être efficace la prévention.
La seconde partie, intitulée Documents, retrace l’histoire de l’épidémie : apparition en 1981 dans les milieux homosexuels de la côte ouest des Etats-Unis, identification du virus en 1983 et 1984, scandale du sang contaminé en France en 1985, impacts de l’épidémie sur la structure démographique des pays, sur l’encadrement… La comparaison entre la France et le Cameroun que l’auteur fait est très intéressante. Elle permet de relativiser le poids de l’épidémie dans les pays riches. La situation bi-nationale de l’auteur fait toute la richesse de cette comparaison : travaillant à la fois en France et au Cameroun, il est bien placé pour faire part des différences qui existent. L’ensemble du propos est accompagné de cartes et de graphiques. L’impact graphique des cartes est toutefois limité. Le planisphère mondial est surtout un prétexte pour présenter des chiffres qui auraient très bien pu figurer dans un tableau statistique. C’est un travers que l’on relève souvent dans l’édition : les cartes sont les parents pauvres, quand elles existent, elles n’ont pas été fabriquées par des géographes ou des gens connaissant la charte graphique à respecter pour que le message délivré par ce support soit efficace.
La présentation des modes de transmission du sida est relativement confuse. L’auteur s’appuie sur la typologie mise en place par la Société Canadienne du Sida qui propose un guide d’évaluation du risque de contamination. La distinction entre les différents degrés de contamination est ténue et il est bien difficile de s’y retrouver.
Cette partie aborde aussi la question des clichés et des stéréotypes autour de cette maladie. Malgré une information des populations, ceux-ci perdurent. Un grand nombre d’idées reçues ont la vie dure. Les Etats-Unis interdisent, par exemple, leur sol à tout malade porteur de la maladie. Ils sont donc en infraction avec la liberté de circulation que prône la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme des Nations Unies. Dans de nombreux pays (Syrie, Irak, Chine, Cuba), le dépistage de la maladie est imposé à certaines catégories de la population. L’OMS, les associations (Act Up, Aides,…) ont encore beaucoup à faire pour promouvoir les droits des malades. En annexe de l’ouvrage, se trouve la reproduction de la Déclaration Universelle des droits des malades du sida et des séropositifs, conférence internationale d’Helsinki, 18/01/2002.
Avec des élèves, le sujet, même s’il n’est pas explicitement inscrit dans les programmes scolaires, peut être traité en éducation civique, en ECJS mais aussi en géographie. La géographie des risques en seconde permet d’aborder ce sujet. Les TPE (Travaux Personnels Encadrés) offrent aussi la possibilité de travailler sur l’impact de cette maladie et pas seulement pour les élèves de première S. Le thème L’image des classes de première L permet de traiter du sujet sous l’angle des clichés et des stéréotypes qui pèsent sur les personnes séropositives.
Sur le même sujet, lire le compte-rendu de l’ouvrage de Philippe Denis et Charles Becker sur l’épidémie de sida en Afrique subsaharienne.
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