Cet ouvrage présente les actes du colloque « Mutations des villes européennes et de leurs périphéries » tenu en novembre 2004. Il s’inscrit dans la volonté de mettre en commun, dans une démarche comparatiste, les avancées de la recherche géographique concernant l’étude des villes méditerranéennes. Le but annoncé est d’appréhender le processus tant spatial que social dans les périphéries et d’identifier le rôle que ces espaces peuvent jouer dans le dynamisme du processus métropolitain.
Les villes méditerranéennes sont ainsi étudiées sous le prisme des mutations, des déstructurations mais aussi des recomposition qui les touchent.
Autour de la problématique centrale liée à l’unité ou à la diversité de ces villes, comme celles concernant les espaces non-construits ou les espaces publics, la gouvernance municipale ou régionale est ainsi questionnée.
Les périphéries méditerranéennes ont-elles des caractères propres ou bien s’inscrivent-elles dans le processus global de la métropolitsation ?
Enfin, l’étude se porte sur l’effort des municipalités en faveur de ces centralités secondaires et la diversité des individus qui les composent.
Dominique Crozat, Maître de Conférence à l’Université de Montpellier 3 rappelle que les périphéries sont des laboratoires permanents d’un monde en perpétuelle transition qui nécessitent de s’interroger sur le rôle de la mondialisation dans la recomposition urbaine. Existe-t-il ainsi des processus spécifiquement méditerranéens ? En fait , cet ouvrage se concentre sur la pertinence des modèles de la ville compacte et de la ville éclatée (voir ce CR sur le site des Clionautes).
L’auteur introduit ainsi le problème des villes compactes, dont la quintessence se retrouve tout autour de la méditerranée. Les lieux de concentration des activités, de la vie culturelle, des hommes sont en effet de plus en plus denses en même temps qu’ils se singularisent.
L’intérêt de l’étude de la gouvernance de ces villes est de mettre en évidence mais aussi de décrire comment s’effectue la diffusion spatiale de la ville sur sa périphérie. En effet, l’étalement urbain même s’il est très rapide tend aujourd’hui à se contracter en laissant de nouvelles potentialités de maintien des sols cultivables. C’est le but des politiques urbaines actuelles.
Les exemples sont multiples dans l’ouvrage de Thessalonique , à Lisbonne (à lire aussi le CR sur le site des Clionautes) en passant par les périphéries en Espagne.
Ces dernières font l’objet d’une communication de M. Janoschka de l’Université de Francfort qui individualise les espaces périphériques en fonction de l’origine des migrants. Ainsi, les régions côtières espagnoles peuvent être considérées comme des laboratoires de la globalisation. Alors que dans les grandes ville espagnoles comme Madrid, l’immigration a stoppé la perte de population des zones centrales et de la proche périphérie et a contribué à la baisse des taux de vacances des appartements. C’est ici que le processus de concentration s’exerce et semble représenter un modèle commun à de nombreuses villes européennes. Les immigrants sont ainsi vus comme des « agents de l’optimisation de la structure urbaine ».
L’hypothèse que plus la ville s’étend plus les rapports sociaux se complexifient est à l’origine d’une communication de R. Keerle de l’Université de Rennes 1 consacrée à l’action urbanistique autour de la gare de Montpellier et, plus particulièrement, à la logique des acteurs et des changements qu’ils entendent promouvoir. L’objectif d’une action publique est concentrée, comme nous le montrent d’autres articles de l’ouvrage, sur la volonté de renouer le lien social pour contrer le sentiment d’insécurité mais aussi de mettre l’accent sur le développement durable.
En fait que représentent les périphéries urbaines ? Pour Suzane Savey, de l’Université de Montpellier 3, c’est « ce que la ville mouvante et triomphante a exclu ». C’est, avant tout, un lieu fragile et vulnérable, habité par le risque de paupérisation voire par une dérive vers la grande pauvreté. Ces périphéries s’opposent fortement aux centres, réceptacles de la modernité et de l’homogénéisation attachée à la globalisation.
Que ce soit à Lisbonne ou à Montpellier, les territoires périurbains sont à considérer comme des marqueurs de la récente évolution de la ville et de l’urbanisation. Les auteurs, comme Patrice Gounel, de l’Université de Montpellier 3, insistent sur la prise en compte des différentes pratiques, qu’elles soient économiques, territoriales ou personnelles. Ces multiples pratiques, territoires, ne sont pas pour rien dans une complexité institutionnelle prégnante.
C’est ainsi que l’idée de multiples identités, à la fois métropolitaines et rurales rencontrent les préoccupations des pouvoirs publics pour combiner une politique de gouvernance urbaine la plus efficace possible. A Porto, exemple de la ville fragmentée par excellence, A Sousa Nogueira remet en cause, quant à elle, l’idée de cohérence attachée à la compacité. Porto s’appuie ainsi sur les politiques européennes pour amenuiser les effets de la fragmentation urbaine.
Cette approche peut être complétée par celle de C. Bernié Boissard pour qui la ville est un espace de culture. La culture est, selon elle, vecteur de cohésion sociale, faisant de la ville méditerranéenne, du fait de sa singularité, un laboratoire à de nombreux expériences, permettant d’ajouter aux trois composantes du développement durable (économie, social et environnement) une dimension culturelle à travers le rapprochement des populations et la conservation d’un patrimoine commun.
Nicole Girard et Laurent Viala concluent l’ouvrage en posant très clairement la question du mythe et du modèle de la ville méditerranéenne. Les villes connaissent une évolution des rapports avec les territoires qui l’entourent. Ces territoires sont fondés le plus souvent sur la domination foncière comme en Italie mais ils peuvent aussi tourner le dos à son arrière-pays comme Marseille. L’autre spécificité est de reconnaître que les villes méditerranéennes sont périphériques dans leurs propres Etats et entretiennent toutes des rapports conflictuels avec le pouvoir central. Les auteurs concluent ainsi à une métropolisation aujourd’hui inachevée qui cherche une échelle pertinente pour la constitution d’un territoire métropolitain.
On rejoindra ainsi F. Tesson de l’Université de Pau, quand il affirme que « Ce qui est sûr, à l’issue de ce colloque, c’est que le chercheur méditerranéen aime la ville méditerranéenne ».
La pluralité des approches sur la ville méditerranéenne est, à coup sûr, un des apports fondamental de l’ouvrage. Les analyses sont rigoureuses, logiques et bien construites rendant l’ouvrage agréable à lire et/ou parcourir. Certains articles proposent même des croquis, cartes ou tableaux statistiques réellement utiles. Les professeurs du secondaire comme des CPGE y trouveront matière à approfondir leurs connaissances sur le processus de métropolisation qui touche l’espace méditerranéen mais aussi pour découvrir ses spécificités. De plus, des articles peuvent faire être repris pour construire une étude de cas comme celui de JP Volle sur l’urbanisation du littoral du Languedoc-Roussillon aussi bien en seconde qu’en première qui intègre parfaitement la problématique du développement durable au cœur de la bonne gouvernance.
Plus généralement, tout esprit curieux, habitué aux principales problématiques de la géographie urbaine devrait se procurer cet ouvrage qui, comme celui consacré à La ville d’Asie du Sud (voir le CR sur le site des Clionautes), permet de mieux appréhender sous l’angle comparatiste la réalité des villes dans le monde.
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