De ses origines paysannes dans la Drôme provençale Vincent Tardieu, journaliste scientifique enquête sur l’agroécologie auprès de 140 paysans, techniciens et chercheurs dans une douzaine de régions de la France métropolitaine. Il propose à partir d’exemples variés une réponse à la crise du modèle productiviste. Sans nostalgie il dresse un catalogue de solutions bricolées entre empirisme paysan et recherche agronomique.
Une écriture alerte qui va de la rencontre avec des témoins à des paragraphes d’informations plus théoriques. Un livre qui, par certains chapitres sera directement utile à l’enseignant d’histoire-géographie et qui, dans son ensemble, devrait intéresser tout citoyen désireux de comprendre les évolutions récentes et à venir de l’agriculture. L’approche scientifique, non partisane, très documentée aux travaux des chercheurs est cependant accessible même au citadin.

Après un premier chapitre de bilan de l’agriculture l’auteur évoque les nouvelles approches et techniques (ch 2 à 12) puis il aborde une réflexion plus politique et économique (ch 13 à 20).

Si les agricultures française et mondiale ont répondu globalement à la demande : produire beaucoup pour nourrir une population toujours plus nombreuse avec des aliments variés et de qualité, elles doivent aujourd’hui faire face à une crise écologique, sociale, nutritionnelle et sanitaire. On trouve dans ce premier chapitre un rappel utile de l’histoire de la P.A.C..

Le tour d’horizon des nouvelles pratiques nous amène à partir des parcours d’un viticulteur et d’un arboriculteur de l’agriculture raisonnée au bio à découvrir les diverses techniques mise en œuvre pour répondre aux effets des pesticides sur la santé des producteurs.
Une promenade dans le verger expérimental du centre INRA du Gautheron nous conduit à une présentation du plan eco-phyto: de la genèse dans le cadre du Grenelle de l’environnement à sa mise en pratique entre espoirs des associations et lobbies de la FNSEA et des industriels du secteur phytosanitaire.
Un long chapitre, fort intéressant, est consacré aux pesticides naturels: toxicité, comparatif avec les molécules de synthèse, situation en Allemagne. L’auteur montre la nécessité de développer les études scientifiques en marge des firmes et une vraie réflexion sur les aspects législatifs.
Il prend acte de la lente mutation de la recherche académique à partir d’un exemple: les parasites du sol, vers une exploration des parcours de productions et l’agro-écologie beaucoup plus développée au Brésil notamment.
De la protection des oiseaux à une analyse des bonnes pratiques agricoles, de l’étude des insectes pollinisateurs aux mesures agro-environnementales (MAE), une dimension à prendre en compte dans les actuelles discussions de la P.A.C..
De retour au Gautheron l’auteur apporte des informations sur la lutte intégrée, les insectes auxiliaires, une piste de réflexion pour le jardinier en dépit des controverses scientifiques.
A partir de l’expérience réussie d’un couple de néo-ruraux dans le Gers, ce huitième chapitre aborde l’agro-foresterie : association de l’arbre et des cultures. Les travaux d’un chercheur de Montpellier apportent une vision plus large entre tradition tropicale ou dauphinoise et expérimentation moderne.
Comment désherber sans chimie ? Telle est la question à laquelle on cherche à répondre à l’INRA de Dijon. Un paragraphe tente un bilan des connaissances sur les dangers d’un herbicide très répandu: le glyphosate, vous le connaissez sous la marque commerciale: Roundup rendue célèbre par Marie Monique Robin. Ce chapitre présente des solutions : la rotation des cultures, et d’autres techniques et une remise en cause des labours.
Le semis direct sous couvert végétal et la conservation des sols font l’essentiel du chapitre 10.

Sans abandonner tout à fait les aspects techniques et agronomiques se sont maintenant des considérations économiques et politiques qui dominent.

Le chapitre 11 consacré à un groupement de paysans bretons : le CEDAPA fait la démonstration de l’intérêt économique d’un système à faibles intrants incarné par le sympathique André Pochon, une réponse déjà ancienne aux algues vertes quand le trèfle remplace les apports en azote chimique.
Le développement de la culture du maïs comme aliment du bétail a conduit à une impasse économique par l’importation de protéines : le soja. Des pistes existent pour le remplacer par des légumineuses produites sur place ce qui suppose de faire évoluer filières et marchés.
Depuis quelques années des équipes internationales tentent d’évaluer le service écosystémique, ce que les écosystèmes procurent aux hommes : approvisionnements, régulation climatique, services culturels (voir une définition claire en page 163-164). L’auteur développe l’exemple de l’apport des pollinisateurs, réalité bien étudiée qui commence à intéresser les semenciers et montre le paradoxe du laxisme français dans la réglementation des produits mettant en danger ces pollinisateurs et l’attitude des chambres d’agriculture.
On constate un développement assez lent de l’agriculture biologique en France malgré des études qui démontrent que l’on pourrait nourrir le monde avec cette technique (Université du Michigan). Ce qui surprend, c’est que les études diverses, parfois contradictoires semblent montrer la productivité de l’agriculture biologique tropicale et le faible gain en zone tempérée. Dans sa recherche d’explications Vincent Tardieu présente la notion d’agriculture écologiquement intensive développée par l’agro-économiste Marcel Griffon. Ce chapitre peut être mis en parallèle avec la conférence de Sylvie Brunel aux derniers Rendez-vous de l’Histoire de Blois.
La question des semences parait primordiale : blés rustiques, sélection participative paysanne ou recherche des hybrides par l’industrie. Et si le rendement à l’hectare ne coïncidait pas avec revenu paysan? Là encore la législation est une clé de l’évolution.
Le chapitre 16 aborde un sujet à la mode, le gaspillage : stockage, responsabilité du consommateur et du législateur. Trois exemples sont développés : la législation sur la date de péremption au Royaume Uni, les cantines scolaires et la consommation carnée.
Peut-être plus en phase avec le programme de seconde le droit à l’alimentation este une conquête planétaire : cours mondiaux, causes des crises alimentaires. On notera une interview d’Olivier De Schutter (Rapporteur du droit à l’alimentation au conseil des Droits de l’Homme de l’ONU).
Un exemple en Île de France introduit l’observation du développement spectaculaire des circuits courts. Plus de revenus pour le producteur, plus d’autonomie aux territoires, plus de contacts entre ruraux et citadins mais qui nécessite la préservation des espaces agricoles pour continuer à produire malgré quelques exemples surréalistes de maraîchage sur gratte-ciel en Amérique du Nord.

L’ouvrage se termine sur “la vallée de l’espoir”. Dans la région de Die, le développement de la production biologique a permis la revitalisation de la petite vallée de Vachères en Quint où existe un véritable laboratoire écologique, économique et social.

En annexe un glossaire redonne des définitions simples des agroécologies.