Un récit de voyage chez les Keltai et les Galatai 

Ah! revoir la région des Vénètes et des Osimes, découvrir la tour Magne à Nîmes entière…, comprendre la construction surprenante et la circulation à coté du pont à bateaux d’Arles grâce aux dessins de Jean Claude Golvin.
C’est l’intérêt de ce petit livre qui suit le livre IV de la Géographie, récit de la description de la Gaule de Strabon, géographe grec d’Asie Mineure des premières années de notre ère. Le texte traduit en français, est confronté aux explications historiques, aux photos de sites archéologiques et aux restitutions dessinées par Jean Claude Golvin pour parfaire la compréhension visuelle.

Qui ne connaît pas encore ce chercheur et archéologue de l’Université de Bordeaux qui effectue des restitutions de cités et monuments antiques au moyen de dessins à l’aquarelle d’une extrême précision?
Il est l’auteur d’ouvrages qui s’apparentent à la bande dessinée, mais qui offre un texte riche d’informations historiques.
Je vous recommande fortement:
L’Antiquité retrouvée, Errance, 2003,
Voyage en Gaule romaine avec Gérard Coulon, Actes sud, 2003.
Le voyage de Marcus avec Christian Goudineau, Babel, Actes sud, 2005.

Parcourir des milles et des stades

L’ouvrage commence par une carte des terres habitées selon Ératosthène, ce qui nous fait aborder le voyage dans le temps en parallèle avec un voyage dans l’espace gaulois. Voir les Pyrénées orientées du Nord au Sud nous met les idées en place. Sans la représentation de la Bretagne « triangulaire » séparée par un océan extérieur de la Celtique transalpine, on ne comprendrait pas les observations de Strabon qui estime que si l’on embarque pour la [grande] Bretagne le soir au reflux, on peut débarquer le lendemain aux environs de la huitième heure.

La lecture de cette géographie qui s’apparente à un voyage est cependant très aisée car les lieux et différents termes sont cités d’après les expressions même du géographe mais traduits afin que le lecteur les resitue.
Le trajet part de la Narbonnaise, de Massalia aux Tectosages, monte en Aquitaine jusqu’à la Loire, passe par Lyon pour rappeler la guerre des Gaules chez les Arvernes, pour aller sur le Rhin. Suit un trajet en bateau pour aller dans les Iles de Bretagne et Thulé, avant de découvrir les Alpes et juger des aménagements des routes reliant Rome.

Les descriptions de chaque site sont courtes, mais elles comportent des informations sur les peuples, les civilisations, sur les régimes politiques en place, sur les mariages dynastiques locaux. Strabon n’oublie pas de parler des révoltes et des oppositions à la première conquête romaine qui durèrent d’environ 125 à 118 avant JC avant que ces « barbares » soient convertis au mode de vie romain. Vous trouverez l’oppidum de Saint Pierre les Martigues dominant le golfe galatique à côté de Marseille, encore entouré d’espaces agricoles cultivés, plus loin la base navale de Fréjus. Plus loin, la Pierreuse ou la Crau avant d’arriver au délicieux village de L’Arquet au cap Couronne.
On traverse le Rhône sur le pont de pierres reliant Vienne à Saint Romain en Gal, la campagne prospère riche de si belles villae.

Vous pouvez vous arrêter et visitez la vidéo de l’explication d’une mosaïque de Saint Romain en Gal.
Déjà ce pays situé sur la rive du Rhône, était traversé par une intense circulation et nécessitait des travaux d’entretien constants pour maintenir en état les routes (déjà la N7 !). Plus loin, vous trouverez l’illustration de la construction et du cintrage du pont du Gard pour apporter de l’eau aux Volques.

L’or de Toulouse

Quant aux Tectosages (de Toulouse), Strabon rappelle qu’ils sont allés occuper la Phrygie, pays limitrophe de la Cappadoce et des Paphlagoniens. Ils ont également mené des expéditions contre Delphes. Très voyageurs et très migrants ces habitants de la région de Tolossa! Quelle civilisation peuvent donner ces voyages et ces rencontres ?

D’autres pages attirent l’attention sur le commerce, les richesses minérales et agricoles dans les villes, le transport fluvial avec des gros plans illustrés sur le chargement de bateaux et le transport du vin en tonneaux. Le sanctuaire gaulois chez les Belges de Gournay sur Aronde (cité majeure des Bellovaques) fait l’objet d’un très beau dessin. Il y a également une étrange île à l’embouchure du fleuve Liger, habitée par des femmes possédées par Dyonisos qui refont la toiture de leur sanctuaire une fois par an aux cris de Evohé. Ailleurs, si un homme a un tour de taille qui excède la norme fixée, il est puni d’une amende.

Ils s’indignent toujours contre les injustices (p 165)

Ces peuples étranges, ces gaulois, sont-il si différents? On découvre que l’oppidum de Puy de Corent (devenu Augustonemetum au sud de Clermont-Ferrand) était la capitale des Arvernes, qui établi sur le Liger ont réuni 200 000 hommes, voire le double quand ils étaient indignés contre César. Dixit Strabon !

Car il ne faut pas trop chercher querelle à cette famille de peuples, impulsifs et prompts à prendre les armes, solidaires, se précipitant au combat dès que l’un d’entr’eux est attaqué. « Mais si l’on arrive à les persuader, ils ne rechignent pas à faire œuvre utile, allant jusqu’à se consacrer à la culture et à l’éloquence« (p165).

Autant de voyages dans cette Gaule de Strabon. Autant de découvertes sur les mœurs. Autant de chantiers de fouille récents, parfaitement connus des auteurs, qui sont portés à notre connaissance.

L’ouvrage excellemment illustré peut servir pour enseigner la conquête de la Gaule et les caractères de la romanisation, vus par un Grec (Programme du Primaire, concours CRPE, programme de Collège ou de seconde). Outre les dessins qui sont des reconstitutions, il offre des photos de sites et de nouvelles pièces archéologiques (tel le buste de César vieillissant) qui vont étoffer le corpus des œuvres et modifier les exemples à présenter aux élèves.

L’ouvrage est étonnant par son écriture (sources et explications) et par la Gaule ancienne qu’il nous fait retrouver. D’une lecture facile, il témoigne d’une connaissance très précise des lieux, des peuples et des monuments qui sont ainsi dévoilés au public.

© Pascale Mormiche