Du plus profond du désert syrien, la belle et mystérieuse Zénobie, la « reine » de Palmyre nourrit bien des fantasmes ! C’est à la recherche de cet être de chair et de sang qu’elle fut vraiment que nous entraînent avec passion, deux spécialistes de l’Orient qu’il n’est plus besoin de présenter : Annie et Maurice Sartre.
Connue par des sources tardives, notamment l’Histoire auguste, aux détails parfois curieux et à l’auteur dont l’existence même est remise en cause, que sait-on vraiment de cette femme dont le nom reste ancré dans les mémoires ? En quoi correspond-elle à cette image qu’on lui donne de reine orientale, de femme vertueuse, défiant l’ordre romain avant d’être vaincue par lui, capturée en 272 et exhibée par l’Empereur Aurélien lors de son triomphe à Rome? Dans une Syrie en proie aux difficultés, tiraillée entre l’instabilité du pouvoir impérial à Rome et la pression des Perses sassanides qui espèrent bien en profiter, une femme, Zénobie, propose une solution. C’est elle qui fait de Palmyre (oasis au milieu du désert, halte sur la route reliant l’Euphrate à la mer Méditerranée, colonie romaine), un centre de pouvoir. Mais s’agit-il vraiment d’un royaume ? Sa guerre est-elle une guerre de libération, elle qui rallie les provinces syriennes, conquiert l’Arabie et prend même le contrôle de l’Egypte, mais elle, qui prend le titre d’Augusta ?
Très vite, dès la ruine de Palmyre, Zénobie est emportée par la légende aussi bien en Orient qu’en Occident. Comparée dès l’Antiquité à Cléopâtre son histoire est celle d’une femme politique évoluant dans un univers dominés par les hommes. Les stéréotypes vont bon train. Son personnage évolue et inspire de nombreux artistes du Palais des plaisirs de William Painter, à l’opéra de Rossini ou la pièce pour clavecin de Couperin et aujourd’hui les livres pour la jeunesse. Loin des contes pour enfants, dans une Syrie en guerre, cette héroïne romantique et orientale est aussi reprise aujourd’hui par le nationalisme syrien.
Annie et Maurice Sartre remontent aux origines et expliquent pas à pas l’évolution des clichés, dégagent les traits de la vraie Zénobie, de la situation de la Syrie au IIIe s. Au terme de cette enquête captivante, c’est donc bien une tout autre femme qui apparait. Pourtant, ramener Zénobie aux réalités historiques ne diminue en rien le personnage, son talent, ses ambitions, ses réalisations : non pas une « reine de Palmyre », mais une femme d’exception adhérant pleinement à la culture romaine impériale, se voulant « Impératrice de Rome » !
Véronique GRANDPIERRE