La volonté de « comprendre la place des mobilités et des immobilités résidentielles dans l’évolution des trajectoires sociales et les transformations des territoires » (p. 9) a initié, à partir des années 1980, le champ d’étude des mobilités résidentielles. L’injonction à la mobilité, y compris résidentielle, a des conséquences en termes d’accroissement des inégalités territoriales et sociales, surtout quand les politiques publiques s’en emparent et exigent des habitants du logement social un changement de quartier lors des opérations de rénovation urbaine.
C’est pour réfléchir à ces impacts que des chercheurs en sciences sociales et en géographie se sont réunis à Roubaix en 2010 lors d’une journée d’étude organisée par les laboratoires TVES (territoires, villes, environnement et société EA 4477) et CLERSE (Centre lillois d’études et de recherches sociologiques et économiques). Ces actes mis en forme par Sylvie Fol, professeur en aménagement et urbanisme à Paris I ; Yoan Miot, maître de conférence à Paris-Est Marne La Vallée et Cécile Vignal, maîtresse de conférences en sociologie à Lille 1 ; rassemblent des textes issus de cette journée ainsi que des textes commandés pour le présent ouvrage.
L’utilisation du terme de « trajectoires » renvoie selon Jean-Yves Authier à l’idée que les « mobilités ont un sens et que la succession des positions résidentielles s’enchaîne selon un ordre intelligible » (p. 13). Quand les pouvoirs publics s’en mêlent, ils viennent modifier l’équilibre interne de familles, jusque là très ancrées. Cet ancrage est un support de ressources familiales, sociales, économiques d’autant plus important pour des populations populaires et immigrées. Pour rendre compte de ce qui se trame lors des déménagements, des approches statistiques très bien menées par Jean-Claude Driant et par François Cusin permettent de comprendre l’attractivité résidentielle régionale et d’aborder les déterminants et effets socio-spatiaux de ces mobilités résidentielles. La deuxième partie de l’ouvrage est consacrée à la question plus spécifique des mobilités sous contraintes imposées dans le cadre des politiques de rénovation urbaine à partir des cas de ZUS en France à Tourcoing, à Mantes-la-Jolie, le Blanc-Mesnil, le Havre (Joël Meissonnier, Christiane Lelévrier)… La dernière partie questionne ces mobilités à travers l’ancrage. Il ne suffit de vouloir instaurer la mixité sociale pour qu’elle soit effective, les résidents ont besoin de ne pas être dessaisis par des instances de rénovation urbaine de l’avenir de leur quartier. La mobilité résidentielle ne se décrète pas sauf à déséquilibrer (Cécile Vignal, Sylvie Fol et Yoan Miot) des situations déjà précaires.
Catherine Didier-Fèvre © Les Clionautes