Archéologia, n°597, avril 2021, Faton éditions, 9 euros.

Ce nouveau numéro d’Archéologia débute, comme de coutume, par des rubriques consacrées à l’actualité des musées (expositions sur l’eau à Lyon au musée d’histoire de Lyon, sur « l’amour » au musée Unterlinden de Colmar, sur « Napoléon et le mythe de Rome » au musée des Forums impériaux (le propos rappelle que Rome fut annexée à l’Empire français de 1809 à 1814 et qu’elle a été élue « seconde capitale » par l’empereur), sur « les arts de la table » au Louvre-Lens et sur Salammbô aux musée des Beaux-Arts de Rouen).

Dans sa rubrique les « Grandes questions de l’archéologie », Jean-Paul Demoule s’interroge sur les origines de la division du travail entre femmes et hommes ( l’auteur écrit (p.9) que « beaucoup d’éléments plaident pour une grande ancienneté de la domination masculine et d’une division marquée des tâches, les plus socialement valorisées étant réservées aux hommes. Il pourrait donc être contre-productif d’appuyer la nécessaire lutte contre les discriminations actuelles sur des arguments préhistoriques qui évoqueraient un paradis perdu fantasmé, arguments largement infondés dans l’état actuel de nos connaissances »).

L’« actualité de la recherche » se penche tout d’abord sur la grande importance de la médiation en archéologie, en faisant la promotion d’un média particulièrement intéressant dans ce cadre : le projet Past and Curious. Les supports ainsi réalisés constituent une excellente base vidéo à caractère didactique, largement exploitable en classe (on pourra regarder, avec intérêt et à titre d’exemple, le petit film « Une journée dans la peau d’Homo Heidelbergensis », Past and Curious, chaîne You Tube).

Suit une évocation de fouilles récentes avec un campement gravettien à Crest dans la Drôme, un enclos funéraire et établissement agricole à Magalas dans l’Hérault, l’église Saint-Guillaume à Strasbourg, le séquençage du plus vieil ADN du monde (celui-ci est extrait d’une molaire de mammouth découverte en Sibérie et remonte à 1,65 million d’années), un encart sur Homo naledi (cet hominidé, contemporain des premiers Homo sapiens, se serait déplacé sur des parois rocheuses), la découverte d’un char d’apparat romain à Pompéi, l’occupation médiévale au Plessis-Belleville (Oise), les résultats d’une fouille préventive au cœur de Nîmes (avec la mise au jour d’un superbe « tapis polychrome en marbre »), la lutte contre les pillages archéologiques en région PACA, la fouille d’un secteur du quartier médiéval de l’abbaye Saint-Martial à Limoges et la rénovation de l’église Saint-Jean l’Evangéliste à Sorbo-Ocagnano en Haute-Corse. Pour finir ces larges prolégomènes, la rubrique « l’objet du mois » présente, de manière circonstanciée, la très belle « Vénus » de Tursac.

Un premier article intitulé « Boire avec les dieux. Le vin dans l’antiquité » constitue une large interview de Jean-Yves Marin, co-commissaire d’une exposition consacrée au breuvage et qui se tient à la Cité du vin à Bordeaux. Un large spectre est couvert (du VIe siècle avant notre ère au IVe siècle de notre ère) et l’accent est mis plus spécifiquement sur les représentations et la symbolique du vin et sur les rapports que les Anciens entretenaient avec l’art vinicole. Un total de 60 céramiques, une peinture et de nombreuses sculptures ont été réunies dans ce cadre parmi lesquelles on compte un magnifique masque de Dionysos Botrys (p.28), un panneau de sarcophage représentant un cortège bacchique et une très belle hydrie funéraire comportant une applique figurant « Dionysos ivre » en appui sur un jeune satyre (p.30 pour les deux derniers monuments).

Un deuxième article (« La nouvelle vie du mausolée d’Auguste ») revient sur le devenir du « plus grand tombeau circulaire du monde antique », de nouveau visitable, après une campagne de restauration, par le grand public.
Construit trois ans après Actium, le mausolée a servi pendant plus d’un siècle de sépulcre monumental à la famille impériale. En ruine déjà durant l’Antiquité tardive, il a ensuite connu toute une série de destructions et d’aménagements : construction d’une chapelle dédiée à Sant Angelo de Agosto au dessus du monument au Xe siècle, transformation en forteresse par les Colonna, aménagement d’un « jardin suspendu » au XVIe siècle, aménagement d’un amphithéâtre au début du XVIIIe siècle, transformation en cirque avec construction de gradins tout autour et enfin transformation en salle de concert. Les dernières fouilles en date ont permis de mieux appréhender l’organisation du monument.

Le dossier central de ce numéro est consacré à la bataille d’Orange. Un ensemble de spécialistes se penche sur cet important affrontement dont le site a été retrouvé. Alain Deyber (« Le site de la bataille d’Orange du 6 octobre 105 avant notre ère retrouvé ») indique (p.41) que « le champ de bataille d’Orange aurait été découvert fortuitement dans les années 1970, mais il ne fut identifié comme lieu probable de la célèbre bataille qu’en 1986. Il fallut attendre 28 années supplémentaires pour avoir une confirmation scientifique définitive ». Le même auteur (p.43) indique que « la cause directe de la bataille d’Orange est connue : elle découle de la volonté des Romains de stopper net la descente des peuples germano-celtiques vers Marseille et sa chôra, d’où les coalisés se seraient ensuite probablement dirigés vers l’Italie, comme ils entreprirent de le faire en 102 ».

Les fouilles entreprises ont permis de repérer un des camps de l’armée romaine situé sur la colline du Lampourdier ainsi que de nombreux artefacts (« Arausio : archéologie d’une bataille »). La bataille fut un terrible désastre pour les Romains, Orose évoquant la mort de 80000 légionnaires et soldats alliés ainsi que de 40000 subalternes (« Le problème des sources antiques »). Une série d’encarts évoque, en sus, « Les migrations des Cimbres des origines à 105 avant notre ère », « La Provence occidentale au IIe siècle avant notre ère », « La poliorcétique romaine à la fin du IIe siècle avant notre ère » et la médiatisation de cette recherche.

Dans l’article « L’héritage du Néolithique mis en scène au musée des confluences » est évoqué une exposition lyonnaise consacrée, comme indiqué dans le titre, au Néolithique et ses « conséquences » sur le monde actuel. L’exposition présente, entre autres, de superbes artefacts issus de la nécropole bulgare de Varna et une statue-menhir en Grès du Néolithique final datant du IIIe millénaire avant notre ère.

Franck Monnier revient, dans une contribution très intéressante (« L’art de la fortification. Un aspect méconnu du génie architectural égyptien »), sur l’art de la fortification dans l’Egypte antique avec notamment des focus éclairants sur la forteresse de Bouhen et le temple fortifié de Ramsès III à Médinet Habou.

Le numéro se termine par un très beau portfolio en lien avec l’exposition « Face à face avec les Romains » organisée par le musée gallo-romain de Tongres en Belgique. Sont ainsi présentés une magnifique statuette de Tutela conservée au British Museum, un splendide calice en fluorine (même lieu de conservation) ou encore une plaque en relief figurant une scène de combat entre deux gladiatrices (ibidem).

Archéologia demeure une revue qui permet d’enrichir ou de renouveler avec bonheur des séquences consacrées à l’Antiquité, tant au collège qu’au lycée.

Grégoire Masson