Jean-Pierre Richardot est journaliste de la presse écrite et audiovisuelle. Dans cet ouvrage il veut rendre hommage aux 100 000 combattants tués lors de la brève campagne de mai-juin 1940. Des soldats trop souvent oublié car la mémoire collective n’a gardé que la vision d’une armée française mise en déroute par le flux inexorable des panzers allemands et emportée par la débâcle.

Des dirigeants incompétents

Tout au long de son ouvrage l’auteur s’en prend aux dirigeants politiques et militaires.

Aux militaires, et en particulier au général Huntziger il reproche leur aveuglément face aux signes de l’imminence du début de l’offensive allemande. Il fustige aussi le haut commandement qui met plusieurs jours à admettre que c’est par les Ardennes et non en Belgique centrale que se produit l’effort principal de l’ennemi, alors que les rapports des reconnaissances aériennes ont bien repéré les panzerdivisionen de Guderian.

Les critiques faites aux militaires dépassent le cadre de leur rôle militaire. L’auteur s’attache à montrer comment, par leur personnalité, leurs idéaux politiques, ces généraux admettent assez rapidement l’idée d’une défaite militaire pour ne plus se préoccuper que d’éviter des troubles intérieurs (le témoignage du général commandant la garnison de paris est édifiant sur ce point). Ils craignent ces troubles car, s’ils devaient se produire, ils pourraient déboucher sur une révolution semblable à ce qui avait pu se produire chez les vaincus de la Première Guerre mondiale. Pour ces militaires, l’armistice est le moyen d’abréger les souffrances du pays, de préparer la reconstruction selon leur système de valeur.

L’auteur montre également comment, la demande d’armistice de Pétain le 17 juin 1940, a contribué à mettre fin à toute volonté de résistance par son « c’est le cœur serré que je vous dis aujourd’hui qu’il faut cesser le combat ». Il a précipité des centaines de milliers d’hommes dans les camps de prisonniers allemands, ceux-ci croyant la guerre finie. Or les combats continuaient, les discussions n’avaient pas commencées… L’intervention radiodiffusée de Pétain a été déterminante, il n’y avait plus qu’à céder,

Les politiques ne sont pas oubliés par la critique. Le président du Conseil, Reynaud, sa personnalité, et son entourage (Hélène de Portes) sont la cible privilégiée de l’auteur. Il démonte ici un complot de l’entourage visant à inciter Reynaud à capituler et à ouvrir la voie à Pétain. Chose d’autant plus facile que les principaux personnages de l’Etat ne font rien pour s’opposer au maréchal. Le seul politique qui échappe à son courroux est Mandel.

Des soldats courageux mais vaincus

Les héros du livre, au propre comme au figuré, sont les soldats de ce printemps 1940. Les témoignages sont nombreux pour exalter le courage, la confiance de ceux qui se battent comme ils le peuvent, avec leurs pauvres moyens pour arrêter l’ennemi. Le livre comprend de nombreux exemples, empruntant à tous les fronts : des Ardennes au front des Alpes, en passant par Dunkerque, la Somme et l’Aisne.

Tous montrent la même chose, la résistance de ces soldats. Officiers et soldats de tous grades, des plus illustres (Leclerc) aux combattants les plus obscurs, de toutes origines sociales, de la métropole comme de l’empire, ils font face avec détermination.

Leurs histoires montrent une armée française différente de l’image « 7° compagnie » véhiculée par le cinéma. Des troupes qui savent se battre (y compris avec des blindés) mais qui subissent sans pouvoir y répondre les bombardements de l’aviation ennemie et qui finissent par être débordées lorsque l’ennemi les tourne.

C’est d’ailleurs une des absences du livre, le peu d’attention prêtée aux lieux où l’armée française a reflué, suite aux assauts ennemis, où tout simplement parce que les soldats ne savaient plus où aller.

Un ouvrage de passionné.

Jean-Pierre Richardot a mis toute sa passion à l’écriture de cet ouvrage, cela se perçoit dans le style employé et dans sa manière de présenter les faits. Rare sont les dirigeants qui trouvent grâce à ses yeux, l’ouvrage est une violente charge contre les élites politico-militaires en place.

Pour soutenir ses affirmations il n’hésite pas à citer de nombreux témoignages, quitte à en abuser parfois lorsque ceux-ci s’étendent sur plusieurs pages. Ce procédé finit par nuire à la cohérence de l’ouvrage. En effet, s’il est facile de comprendre le pourquoi des interventions rapportées de tel ou tel dirigeant politique ou militaire. Il n’en est pas de même quand il s’agit de s’intéresser aux combattants du front. Il n’y a pas véritablement de contextualisation de leur témoignage par rapport à la situation militaire du moment, et encore moins de carte permettant de se repérer. Le seul repère est la progression de l’ouvrage qui suit un fil chronologique commençant au début des opérations.

L’ouvrage répond cependant bien à l’intention de son auteur. Une fois lu, nul ne peut ignorer que contrairement à l’image donnée, de nombreux soldats français ont vaillamment combattu et sont morts en tentant de s’opposer à l’invasion allemande.

Compte-rendu de François Trébosc, professeur d’histoire géographie au lycée Jean Vigo, Millau

François Trébosc © Clionautes