La revue « Hommes et migrations » est une véritable institution dans le domaine de l’étude et de l’analyse des mobilités humaines et des flux migratoires, dans notre pays. Prenant la suite d’une revue plus ancienne, elle existe sous ce titre depuis 1965 et elle est éditée depuis 2005 par le Musée de l’Histoire de l’Immigration de Paris.
Revue trimestrielle, Hommes et migrations consacre chaque numéro à un thème particulier qui fait à chaque fois l’objet d’un traitement approfondi et pluridisciplinaire, en rassemblant des articles de grande qualité écrits par des spécialistes.
Nous avons choisi ici de présenter le numéro n° 1330 (!), sorti il y a deux ans ; il porte sur l’année 1973. Nous n’avons pas, bien sûr, la prétention de présenter les nombreux articles d’une revue de 248 pages, mais uniquement d’en indiquer les lignes directrices.
Le dossier scientifique de ce numéro a été confié à l’historien Yvan Gastaut, spécialiste de l’histoire de l’immigration pendant cette période. En matière d’immigration, c’est la césure de l’année 1974, celle du début de la crise économique et de la politique migratoire restrictive de la présidence Giscard d’Estaing, qui vient spontanément à l’esprit. En déplaçant légèrement le point de vue sur l’année précédente, celle d’avant la montée du chômage de masse, les auteurs nous incitent à prendre du recul avec une interprétation par trop « matérialiste » et « économiste » du racisme dans la société française.
L’année 1973 fut bien, en matière d’histoire de l’immigration et du racisme, une « année intense ». Onze ans après la fin de la guerre d’Algérie, ce fut une année marquée par un climat exceptionnel de violences et de crimes racistes qui visaient particulièrement les immigrés maghrébins, particulièrement dans les régions du sud méditerranéen : un « racisme ordinaire » qui bascule parfois dans la « ratonnade » et le crime.
1973 est aussi une année où l’immigration et le racisme deviennent des sujets d’actualité, des sujets médiatisés par la télévision et les grands noms de la presse écrite. C’est aussi le moment où la littérature (avec le roman de Jean Raspail : le camp des saints), l’humour (avec Fernand Raynaud) et le cinéma populaire (Rabbi Jacob, Dupont-Lajoie…) s’emparent du sujet et font ici l’objet de plusieurs articles fort intéressants.
5 ans après Mai 68, 1973 est aussi une année de luttes qui voient les travailleurs immigrés faire entendre leurs voix pour revendiquer leurs droits, au nom de la dignité et de l’égalité. C’est aussi un moment intense de solidarité entre Français et immigrés, au nom de l’internationalisme prolétarien. La revue consacre à ce sujet de nombreuses pages d’iconographie, sous le titre « les luttes s’affichent ! »
Au-delà de l’année 1973, nous vous incitons donc à vous pencher sur le catalogue de la revue « Hommes et migrations », qui s’ inscrit à la fois dans un long héritage mais qui a su renouveler ses approches intellectuelles et culturelles du phénomène des mobilités et des migrations, objet d’ instrumentalisation, comme le démontre le temps présent.
À ce titre, « Hommes et Migrations » est une revue actuelle, nécessaire et qui ne saurait être ignorée !