La collection « Territoires en mouvement » est une série de guides pratiques qui font chacun le point sur un thème de l’aménagement du territoire. Le dernier né de la collection a une vocation historique et invite à découvrir les grandes étapes de 5 décennies d’aménagement du territoire en France. C’est avec la création d’une Délégation à l’Aménagement du Territoire et à l’Action Régionale (DATAR), le 14 Février 1963, que s’engage véritablement la politique d’aménagement du territoire. La DATAR se voit alors chargée de proposer, d’impulser et de coordonner cette politique, que l’Etat est, alors, le seul à conduire.

Jusqu’aujourd’hui, les centres d’intérêt sont restés globalement les mêmes, les pratiques ont en revanche évolué (1ère Partie). L’aménagement du territoire correspond d’abord à une vision politique dont le but est d’assurer un meilleur développement, de produire de la croissance, pour l’épanouissement, le bien ou le mieux-être des populations. 5 grands principes fondamentaux sont plus ou moins appliqués à toutes les époques étudiées : le principe de la répartition (ou redistribution), le principe de création, le principe de réparation, le principe de protection et le principe de compensation. On peut distinguer plusieurs grandes phases de l’aménagement du territoire (2ème Partie).

Les années 1950 et 1960 constituent l’ « âge d’or » de l’aménagement du territoire avec une véritable ambition nationale de la part d’un Etat qui se veut organisateur et modernisateur. Plusieurs politiques marquent cette période : la politique des métropoles d’équilibre, les villes nouvelles créées pour faire face au risque de croissance jugée démesurée et désordonnée de Paris, la décentralisation industrielle (visant à ralentir la concentration des activités industrielles en région parisienne et à rééquilibrer la carte industrielle de la France) ou les Parcs Naturels Régionaux conçus comme des outils d’aménagement et de revitalisation rurale. Toutefois, certaines opérations n’ont pas produit tous les effets attendus. Citons l’exemple de la mise en tourisme de la côte languedocienne. En terme de transformation du paysage et des fonctions, le bilan est impressionnant. Mais le littoral du Languedoc-Roussillon subit aujourd’hui une forte pression démographique et urbanistique. Il est confronté à des problèmes environnementaux de plus en plus importants et doit de nouveau diversifier ses fonctions.

Du début des années 1970 à la fin des années 1980, des pans entiers de l’industrie française sont contraints de fermer. La crise, mais aussi l’avènement de l’Europe et la politique de décentralisation à partir de 1982 sont de nouveaux éléments à prendre en compte. La carte de la France se complexifie. Tandis que la crise frappe des espaces auparavant prospères au nord et à l’est, les nouveaux facteurs d’attractivité bénéficient aux régions du Sud et de l’Ouest. Les politiques d’aménagement du territoire s’appuient alors sur de nouveaux fondements. On passe progressivement d’un aménagement du territoire à l’échelle nationale au développement territorial à l’échelle locale. Les legs de cette période de transition sont donc moins marquants : la politique des villes moyennes à partir de 1973, les pôles de conversion qui accompagnent la modernisation de secteurs industriels en crise et les technopôles.

Dans la décennie 1990 et au début des années 2000, il s’agit de redéfinir le rôle de l’Etat en tenant compte de la décentralisation et du développement de la mondialisation. La mobilité croissante des marchandises et des hommes renforce la concentration des activités sur de grands axes privilégiés, particulièrement aux carrefours de ceux-ci, c’est-à-dire dans les grandes villes en voie de métropolisation. Un petit nombre de villes (appelées global cities) joue un rôle croissant pour commander, coordonner au niveau mondial la globalisation. Il s’agit alors de renforcer Paris et de conforter les (quelques) villes capables d’accéder au statut de « villes européennes » ou « internationales ». On retiendra dans cette période : le plan Université 2000, la mise en place des pays et la relance des Systèmes Productifs Locaux (groupements d’entreprises et d’institutions, géographiquement proches, qui collaborent dans un même secteur d’activité). Facteurs de compétitivité et d’attractivité territoriales, les TIC font aussi partie des nouvelles préoccupations de la DATAR avec un programme d’ « aménagement numérique des territoires ». Parallèlement, la politique européenne de cohésion se développe. A l’aide des fonds structurels, l’Europe cofinance des actions en faveur des régions rencontrant des problèmes de développement et des publics en difficulté.

Au début du XXIème siècle, de nouvelles tendances s’affirment. L’innovation, la compétitivité, l’attractivité, l’excellence et la créativité sont mises en avant. Les territoires aménagés sont aussi à ménager dans le cadre d’un développement plus durable. L’Etat devient davantage stratège. Désormais, il initie, impulse, coordonne des politiques en partenariat avec les collectivités territoriales, notamment par des appels à projets ou par exemple par la reconnaissance de labels de qualité. Une « France multiple » apparaît. « Aujourd’hui la fracture territoriale existe bel et bien et elle menace même de devenir un gouffre », selon Laurent Davezies dans La crise qui vient. On pense souvent à a fracture urbaine mais la fracture rurale est aussi présente. L’innovation, qui doit garantir le développement d’une économie de plus en plus fondée sur la connaissance, devient essentielle. Des Stratégies Régionales d’Innovation (SRI) sont mises en place et une nouvelle génération de clusters apparaît. Ces réseaux d’entreprises, généralement d’un même secteur d’activité, sont tournés vers l’innovation. Ils offrent ainsi une réponse à l’un des handicaps de la France : le cloisonnement des acteurs. Les principes d’innovation et d’excellence sont aussi au cœur de la politique des pôles de compétitivité. L’objectif est de favoriser, sur un territoire donné, les « réunion d’acteurs (entreprises, unités de recherche et centres de formation) et de mettre en œuvre les décloisonnements pour réussir des projets où l’innovation par la R&D doit être motrice ». En 2008, une première évaluation a souligné le « dynamisme prometteur » des pôles mais des limites ont aussi été énoncées : nombre élevé de pôles, gouvernance peu lisible, faible articulation entre grands groupes et petites entreprises, besoin d’un pilotage plus stratégique de la part de l’Etat. Par ailleurs, la politique des grappes d’entreprises vise à moderniser la politique des SPL. Enfin 400 Pôles d’Excellence Rurale sont sélectionnés en 2006. La décennie 2000 apparaît donc comme une période d’expérimentation créative et de transition.

Ce petit guide au format de poche va droit au but avec un texte clair, agrémenté de nombreux encarts explicatifs. Utile aux étudiants comme aux enseignants, c’est un bon résumé de 50 ans d’aménagement du territoire en France (ou de la France). Dans cette période, de nouvelles thématiques ont émergé : innovation, compétitivité, rôle des métropoles, mobilité, technologies numériques, développement durable… L’élément le plus remarquable reste toutefois le passage d’un Etat organisateur et modernisateur à un Etat initiateur et partenaire des collectivités territoriales, devenues incontournables depuis les lois de décentralisation. Est-ce alors la fin des politiques d’aménagement du territoire à l’échelle nationale ? Même si les acteurs qui portent désormais les politiques d’aménagement du territoire sont de plus en plus divers (n’oublions pas l’Europe), l’ambition aménagiste de l’Etat perdure, comme le prouve la création d’un Commissariat Général à l’Egalité des Territoires en 2014.