L’invention comme point d’entrée
Il souligne que prendre l’angle des inventions est une façon de raconter l’histoire du monde. L’auteur définit d’abord son sujet avec une acception assez large puisqu’il parlera de création d’objets, mais aussi du « développement de techniques nouvelles, de facultés ou de connaissances ». Il précise également que tout n’est pas clairement identifiable en terme d’attribution d’auteur ou de précision de date. La couverture intérieure de début et de fin propose la même carte du monde avec un relevé de quelques-unes des inventions citées car tout n’est pas cartographiable.
De grandes entrées classiques…
Pour se repérer, l’auteur a choisi de garder des grands cadres à savoir la préhistoire, de l’antiquité au Moyen Age, de la Renaissance à la fin du XIXème siècle, et depuis la fin du XIX ème siècle. Un code couleur est associé à chaque période. Pour chacune, on trouve une frise chronologique qui récapitule les inventions qui vont ensuite être développées. Chaque invention retenue a droit à une page et les mots de vocabulaire sont écrits en couleurs et expliqués en dessous.
… mais des fiches plus originales
La fiche précise un domaine, une invention, une date, une illustration, un texte chapitré qui comprend une rubrique intitulée « dans la même famille ». C’est une très bonne initiative à plusieurs titres : tout d’abord cela donne encore plus d’informations en évoquant d’autres inventions qui n’ont pu être traitées, mais surtout par le choix proposé, cela ouvre des perspectives. Par exemple, dans l’article consacré à la numération, datée approximativement de 2300 avant JC, la rubrique « dans la même famille » parle elle des fractions, des nombres négatifs, de la virgule pour séparer les décimales qui n’apparait qu’en 1612, ou encore de la machine à calculer de Blaise Pascal. En plus, le texte fait des ponts à l’intérieur même de l’ouvrage en proposant de voir une autre invention traitée. Si on le souhaite donc, on peut lire cet ouvrage à partir d’une fiche et rebondir d’invention en invention.
De la Préhistoire au Moyen-Age
Loin d’être le parent pauvre, la Préhistoire rassemble onze inventions, soit une part importante. On trouve évoqués des techniques comme le feu, la domestication des animaux mais aussi la peinture, le blé et même des objets du quotidien comme l’aiguille à coudre. Philippe Nessmann insiste sur l’importance de l’Antiquité mais pointe le peu de nouveautés du Moyen Age. On trouve ici aussi un éventail large d’inventions : on peut citer pêle-mêle dans ce chapitre l’horloge à eau, les pièces, les grues ou la caravelle, soit au total treize propositions. On pourra être surpris de trouver un article sur le dentifrice, mais sachez qu’il existait dès l’Antiquité égyptienne. Il est original aussi de proposer une entrée sur la gastronomie. Elle est évoquée à travers un livre de recettes du IV ème siècle. Il faut dire tout de même que les plats proposés sortent de l’ordinaire avec les petits pois à l’encre de seiche, les poumons d’agneau frits ou encore l’autruche bouillie !
De la Renaissance à la fin du XIX ème siècle
Quinze éléments sont ici présentés mais deux concernent le quinzième siècle alors que toutes les autres sont concentrées sur un siècle environ. Il est vrai que l’époque moderne et industrielle rime souvent avec inventions. Philippe Nessmann évoque les grandes inventions comme la machine à vapeur, le système métrique ou la voiture à essence. Il parle également de la photographie ou de l’ampoule. Il explore quand même quelques aspects moins évidents comme le celluloïd. Cette matière est en fait le fruit d’un concours lancé en 1860 pour remplacer l’ivoire qui tendait à se raréfier. Le premier plastique artificiel est né.
Depuis la fin du XIX ème siècle
De façon équilibrée, l’auteur ne cède pas à la fascination pour le contemporain car il ne retient, si l’on peut dire, que onze inventions pour cette période. Exercice redoutable de faire, en quelque sorte, le tri dans une société aujourd’hui marquée par tellement de technologies et d’inventions. L’auteur choisit la télévision, les ordinateurs ou encore la robotique. Il rappelle également l’origine militaire d’Internet, alors appelé Arpanet. Il souligne aussi qu’il a « fallu cinq millions d’années à l’homme pour inventer l’écriture, puis cinq mille ans pour l’imprimerie, puis cinq cent ans pour la télévision, puis seulement cinquante ans pour Internet ».
En conclusion, Philippe Nessmann dit bien la subjectivité d’un tel choix de cinquante inventions. En tout cas, deux cent mille brevets d’inventions sont déposés dans le monde chaque année !
Ce bel album se révèle très intéressant. En ne cédant pas à la fascination ultra-contemporaine, en proposant des prolongements et des rapprochements, il donne une image ouverte de la créativité humaine. Il fourmille d’informations. Philippe Nessmann dit que dans dix ou vingt ans, il « faudrait certainement ajouter quelques pages pour parler d’objets qui n’existent pas encore ». En attendant, c’est un vrai plaisir de lecture.
© Jean-Pierre Costille pour les Clionautes