Professeur de théologie pratique à l’université de Lausanne, spécialiste des questions de théologie sensorielle, Olivier Bauer publie en ce début d’année 2020, aux éditions Alphil, une histoire du protestantisme en Suisse romande, issue d’un cours donné à la faculté de théologie et de sciences des religions de l’université de Lausanne en 2018.
L’entreprise est de taille. Tout d’abord car il n’existe pas à notre connaissance d’ouvrage de la sorte parue en France. L’entreprise est de taille également par la difficulté même à cerner le sujet. En effet, comme le rappelle l’auteur dès les premières pages, il est complexe de faire « l’histoire de quelque chose qui n’existe pas »Olivier Bauer, 500 ans de Suisse romande protestante, page 7 : l’entité géographique, politique, linguistique Suisse a largement varié au fil des siècles pour ne finalement se stabiliser dans sa forme actuelle qu’au 19ème siècle. Il en va de même du point de vue cultuelle tant le protestantisme revêt des formes et des sensibilités nombreuses. Le territoire suisse n’y déroge pas.
Pourtant, Monsieur Bauer parvient, au fil de ces 150 pages, à dresser un tableau complet et détaillé de ces évolutions : du 30 novembre 1526, date du premier culte protestant avéré à Berne sous l’autorité d’un certain maître Ursinus (Guillaume Farrell), au 1er janvier 2020, date à laquelle entre en vigueur la constitution de l’Église évangélique réformée de Suisse.
L’étude suit une trame chronologique très classique dans ce genre d’ouvrages synthèse au format condensé. Siècle après siècle, canton par canton, Olivier Bauer revient sur les grandes périodes du protestantisme suisse roman. Au cours du 16ème siècle, le protestantisme s’est peu à peu diffusé grâce à Guillaume Farrell depuis le canton de Berne au pays de Vaud, à la principauté de Bâle, au comté de Neuchâtel, à la seigneurie de Valangin pour gagner finalement la république de Genève sous l’influence notable de Jean Calvin. Cette diffusion s’est faite au prix de nombreux bouleversements et incidents locaux pour finalement aboutir à la fin du siècle à une carte confessionnelle relativement stable pour la Suisse romande.
Au cours du siècle suivant, le protestantisme suisse roman a connu une période de « confessionnalisation »Ibid, page 44, marquée par un renforcement notable de son identité réformée. Ce renforcement passe par l’imposition d’une orthodoxie forte dans les territoires convertis : contrôle des mœurs, développement d’institutions théologiques contrôlant la vie des fidèles et autodiscipline. L’intolérance religieuse est de règle, malgré quelques signes d’ouverture qui se généralisent au 18ème siècle, notamment avec l’invasion de la Suisse en 1798 par les armées de la république française qui imposent la liberté religieuse. Ce sont aux 18ème et 19ème siècles que l’ouverture du protestantisme suisse roman vers des formes évangélique, piétiste ou libérale s’effectue, profitant des nouvelles libertés individuelles et politiques acquises
Les deux derniers chapitres du livre s’intéressent aux évolutions que le protestantisme suisse roman a dû rencontrer au cours du 20ème siècle et des deux premières décennies du 21ème. Le plus grande de ces défis fut le virage de la modernité. Cette modernité qui obligea tous les courants du protestantisme suisse roman à repenser la place des femmes en leurs seins (l’auteur cite l’exemple de Lydia von Auw, première femme consacrée pasteure dans le canton de Vaud en 1932), à repenser ses relations avec l’État à l’aune de la séparation des cultes et des institutions publiques, à repenser également sa liturgie. Mais surtout le protestantisme dut faire face à la sécularisation qui entraîne, depuis les années 1960, une forte baisse de la pratique.
L’ouvrage se clôt sur les grandes commémorations de 2009, année du 500ème anniversaire de la naissance de Jean Calvin, et de 2017 qui commémore le 500ème anniversaire de la Réforme, mises en parallèle des défis posés à des églises qui se renouvellent et s’unissent pour aborder ce nouveau siècle.
Au final, l’ouvrage d’Olivier Bauer constitue une somme à la fois facile d’accès, très précise et claire de l’histoire du protestantisme en Suisse romande depuis cinq siècles. Ce livre à vocation d’introduction remplit parfaitement son rôle. Nous en conseillons la lecture.