Dans cet ouvrage, Pierre Vianin, professeur à la Haute Ecole Pédagogique du Valais en Suisse, explique comment on peut accompagner efficacement des stagiaires en formation. C’est une mission à la fois difficile, essentielle et stimulante. L’auteur pose d’abord une conviction forte : « le modèle du maitre de stage transmettant les bonnes pratiques est révolu. Nous définissons ce que nous entendons par supervision pédagogique dans une démarche socio-constructiviste ». Reste à savoir comment faire et tel est l’enjeu de son ouvrage.
La supervision pédagogique : définitions et enjeux
Pierre Vianin a choisi de ne traiter ici que le cas d’observation d’un stagiaire et il n’aborde donc pas, pas exemple, la question de l’articulation entre formation initiale et formation continue. Sa proposition est ici clairement pratique à travers un protocole en cinq étapes. Il présente donc ses idées avec, à chaque fois, des encadrés pour aller plus loin au niveau conceptuel. Pierre Vianin propose également de petits résumés réguliers intitulés « points clés pour la pratique » ce qui permet en quelque sorte une lecture à trois niveaux. Il insère aussi des « vignettes illustratives » qui sont en quelque sorte des études de cas.
L’auteur s’appuie sur d’autres travaux et montre que la supervision pédagogique doit être interactive plutôt que directive, démocratique plutôt qu’autoritaire et centrée sur le stagiaire plutôt que sur le superviseur. Elle comprend forcément une observation et un entretien. Pierre Vianin invite également à un aller et retour permanent entre théorie et pratique. Il est nécessaire également de « doter les stagiaires de quelques concepts pas très nombreux mais centraux ». Il faut insister sur quelques points essentiels comme le fait que le formateur ne doit pas être le modèle à imiter. Il doit néanmoins être cohérent entre ce qu’il fait en cours et ce qu’il dit aux stagiaires. Il ne suffit pas d’être un bon professeur pour être un bon formateur. Pierre Vianin présente ensuite les étapes de la supervision pédagogique qui font chacune l’objet d’un chapitre, forcément d’inégale longueur.
La préparation de la supervision
Les cinq temps sont les suivants : la préparation de la supervision, l’observation, la préparation de l’entretien, l’entretien réflexif et la clôture. Il est important de partir de besoins identifiés par le stagiaire, par exemple sur le maintien de la discipline, plutôt que de vouloir imposer son agenda de formation en tant que superviseur. Il est nécessaire de définir à chaque fois quel est ou quels sont les buts de la visite. De même, il est fondamental d’annoncer que le temps de discussion est un temps de formation.
L’observation, ses outils et ses démarches
Il faut d’abord observer et relever des faits. Il convient de mesurer l’importance des représentations car ce sont elles qui nous aident à agir. Le superviseur doit donc les prendre en compte au risque de délivrer un discours qui, en quelque sorte, ne pourrait s’accrocher à rien chez le stagiaire. Pierre Vianin invite à isoler ce qu’il appelle un noyau central autour duquel s’organisent les croyances et les connaissances. Ce noyau central ce peut être par exemple qu’ »enseigner c’est expliquer ». A partir de là, plusieurs éléments s’articulent autour et il est plus facile d’agir dessus. Le superviseur doit disposer d’outils d’observation à la fois efficaces et précis. Si c’est possible, il faut réaliser une prise de notes mot à mot d’un échange entre le stagiaire et un élève plutôt que de le résumer. On peut aussi se focaliser sur les actions de quelques élèves pendant quelques minutes et noter scrupuleusement ce qu’ils font. L’ouvrage de Pierre Vianin fourmille de pistes pour observer de façon active. On peut aussi relever sous forme de dessins les déplacements du stagiaire dans la classe. Il est évident que la vidéo peut être très utile, mais ce n’est pas forcément le dispositif le plus simple à mettre en place. L’auteur présente ensuite neuf modélisations théoriques qui sont autant de « clés de lecture de la séance d’enseignement-apprentissage présentée par le stagiaire ». Pour ne pas alourdir son propos, Pierre Vianin renvoie aux annexes pour disposer de présentations détaillées de chacune de ces modélisations.
La préparation de l’entretien et l’entretien réflexif
Il peut être judicieux de prévoir l’entretien dans un lieu neutre plutôt que de le réaliser dans la salle de classe. « L’art du superviseur sera d’adapter constamment son questionnement aux réflexions du stagiaire, tout en pilotant l’entretien vers une clarification toujours meilleure de son style d’intervention. » L’entretien se déroule en quatre étapes : définir les modalités de la discussion, auto-évaluation par le stagiaire, échange avec le superviseur et enfin un bilan. Pierre Vianin propose ensuite plusieurs techniques d’entretien afin de comprendre les représentations du stagiaire car c’est là le point clé. Il donne également des propositions pour « alimenter, relancer et réguler l’entretien ». Il donne des exemples concrets de ce type de formules. Le superviseur doit se garder des questions avec le mot « pourquoi » auxquelles il est très difficile de répondre. Pierre Vianin insiste une fois encore pour dire que pour que le stagiaire progresse, il faut partir de ses représentations pour l’amener à un travail de régulation.
La clôture de la supervision
Le point crucial pour le superviseur est de réussir à identifier le noyau central tel que précédemment décrit. On peut s’en apercevoir à travers la retranscription d’un entretien et son analyse entre un superviseur et un stagiaire. Dans le cas évoqué, tout revient à « enseigner c’est contrôler ». Le superviseur doit ensuite fixer des objectifs pour une prochaine fois, de la façon la plus précise possible. Ainsi, il ne suffit pas de demander au stagiaire de faire participer toute la classe mais plutôt d’assigner comme objectif le fait de questionner au moins trois élèves qui se trouvent dans le fond de la classe. Dans un ultime chapitre, l’auteur pointe quelques résistances possibles et les moyens de les lever. Il propose pour finir une grille d’évaluation de la supervision qui serait à remplir par le stagiaire pour estimer la qualité de l’intervention reçue.
En conclusion, Pierre Vianin souligne, s’appuyant sur les travaux d’Altet, que la pratique de supervision nécessite « l’observation du travail réel et des outils conceptuels d’intelligibilité de l’action. » Il évoque également d’autres modalités qui peuvent être utiles dans le processus d’accompagnement d’un stagiaire. A ce titre, l’écriture doit également tenir une place importante car cela permet de prendre du recul et de mesurer des changements.
Cet ouvrage est plutôt destiné aux formateurs, aux conseillers pédagogiques et de façon globale à toute personne qui intervient dans la formation des stagiaires. Il réussit le délicat pari d’allier la théorie et la pratique, tout en livrant des cadres de pensée qui ne sont jamais là pour enfermer le superviseur dans un moule mais pour l’aider à proposer une aide réellement efficace au stagiaire.
© Jean-Pierre Costille pour les Clionautes