Un collectif de 72 auteurs a concocté un incroyable dictionnaire sur le médiévalisme (concept repris dans l’ouvrage) dans l’histoire aux Éditions vendémiaire. Tant d’articles à propos d’un phénomène de plus en plus prégnant, la fascination pour le Moyen-Age en Occident.

Sous la direction d’Anne Besson (professeur de littérature générale et comparée à l’Université d’Artois (Arras), spécialiste des ensembles romanesques et des constructions de mondes alternatifs, particulièrement en science-fiction, fantasy et littérature de jeunesse), de William Blanc (Historien médiéviste, a publié Le Roi Arthur, un mythe contemporain (Libertalia, 2016) et Winter is coming, une brève histoire politique de la fantasy (Libertalia, 2019) et de Vincent Ferré (Professeur en Littérature générale et comparée à l’Université Paris 3-Sorbonne Nouvelle (CERC), a dirigé le Dictionnaire Tolkien (Bragelonne, 2019)), plus de 120 entrées parlent de près ou de loin de des fantasmes sans cesse renouvelés de cette période médiévale.

Des héros et des dieux, des hommes aussi.

Un jeu de rôle montrerait ceux qui, pour nous, incarnerait le mieux la période médiévale. De gentes dames servies par des preux chevaliers, peut-être des gueux, assurément des sorcières et des mages, mais aussi des moines rubiconds  oudes inquisiteurs fanatiques.

Dans tous cas les femmes apparaissent comme soumises (ce qui est démenti par l’historiographie récente) et tiennent des rôles secondaires. Si la dame devient princesse, elle naît de noble extraction, elle demeure enfermée. Dans ce type de récit, les hommes agissent et les femmes attendent.

Cependant des œuvres plus modernes montrent des héroïnes et des femmes puissantes. Anne de Bretagne, Aliénor d’Aquitaine ou Jeanne d’arc allient le charme et la puissance guerrière dans les histoires liées aux les vikings comme dans les jeux vidéo ou la fantasy. Aucun lien avec l’historiographie mais des aspirations contemporaines, variables et contradictoires en fonction de l’auteur et du contexte de réception.

Les hommes ne sont pas en reste. Sont convoqués, Perceval, Lancelot, Robin des Bois, Gengis Khan, Saladin, Charlemagne, Roland et bien sûr le roi Arthur.

Des lieux… communs ou pas.

Si on s’attend à voir citer des châteaux, des chevaliers, des épopées, il est plus surprenant de lire des articles d’États qui semblent éloignés de la période médiévale, tout simplement parce qu’ils ne l’ont pas vraiment connue. Pourtant, les États-Unis, la Chine ou le Brésil sont des entrées de ce dictionnaire.

La période des Tang (618-907) en Chine retient l’attention des auteurs. La domination de cette dynastie a fourni un terreau fertile aux récits épiques : fréquence des combats, présence d’éléments surnaturels, mise en scène du pouvoir impérial, importance des rites religieux. Des romans de capes et d’épée apparaissent pendant cette période reprenant le mythe du « chevalier » errant, l’histoire d’une magicienne sortie d’un couvent et qui s’initie aux arts martiaux et une certaine représentation du pouvoir. Très populaires, ces récits sont repris à l’envi jusqu’à la période contemporaine par le cinéma et la BD, les séries télévisées en ajoutant une dose sinophile de merveilleux. Ce creuset ancien fournit un miroir pour la modernité. Ce processus de réception et de recréation s’accélère vers 2000 avec une acculturation vers des créations occidentales. Il s’agit par comparaison d’orientaliser le pays tout en pratiquant un certain « soft power » au regard du monde.

Avalon n’est pas la ville française bien connue mais un lieu continental, un vallon où la fée Morgane exerce son influence sur les chevaliers infidèles. Lieu d’immortalité, Avalon constitue un espace chimérique où se perpétue un âge d’or et d’utopie, où reposent les héros. La tradition s’accélère au XIXe siècle chez les auteurs mais aussi en peinture avec Heinrich Füssli et Arnold Böcklin. J.R.R Tolkien ne manque pas de créer Avallonë, une cité portuaire. Les jeux vidéo s’emparent du lieu. Tom Raider : Legend en 2006 et Underworlden 2008 convoquent Avalon au cœur des aventures de Lara Croft.

Lieu privilégié de résidence, Camelot est une cité imaginaire essentielle dans la légende d’Arthurienne. Nombreuses sont les expéditions archéologiques ou touristiques visant à enfin découvrir les vestiges de cette introuvable capitale, lieu rêvé source d’un régime politique idéal, emprunt d’une nostalgie propre au médiévalisme.

Le dictionnaire du Moyen-Age imaginaire fourmille de connaissances sur des dizaines de lieux emblématiques : l’Afrique, l’Allemagne, la Turquie, la Russie et tant d’autres.

Ces auteurs  qui parlent du Moyen-Age.

Marion Zimmer Bradley (1930-1999) est restée une autrice américaine célèbre pour ses réécritures de mythes culturels, notamment de la légende arthurienne. Malgré des démêlés avec la Justice, elle reçoit un World Fantasy Award posthume pour l’ensemble de sa carrière en 2000.

Évoquer John Ronald Reuel Tolkien ou Walter Scott relève de l’évidence.

Plus originale est l’occurrence sur Richard Wagner qui occupe une place centrale dans le renouveau de l’intérêt porté à la période médiévale. Nourri de l’opéra romantique allemand, il cherche l’inspiration dans l’ancienne littérature de son pays dans les éditions critiques de son époque. Devenant un spécialiste, il intègre le renouveau philologique et le nationalisme ambiant. Le musicien devient une des sources majeures de la fantasy épique et héroïque.

Cette mine de ressources doit immanquablement se trouver dans les cadeaux de Noël de cette année. Ce dictionnaire ne manquera pas de ravir petits et grands touchés de près ou de loin par la SF et la fantaisie. L’ouvrage sera bien utile aussi aux enseignants qui parlent du Moyen-Age et qui peuvent ainsi faire des ponts avec ce qui se fait au cinéma, en littérature et dans les jeux si prisés par leurs élèves.