Adapter l’extraordinaire roman de Joseph Ponthus n’était, A priori, pas chose aisée.
Le théâtre s’y est exercé avec brio. Le neuvième art s’en empare à son tour et c’est une vraie réussite.
Joseph Ponthus, éducateur au chômage dans la région de Lorient, évoque, dans son superbe témoignage, la condition de travail d’un néo-lumpen prolétariat en Bretagne, le sien, celui d’un intérimaire dans une conserverie puis dans un abattoir.
Il décrit la violence des tâches répétitives sur le corps, l’esprit qui n’est plus et la machine et les gestes répétitifs qui engloutissent l’humain.
Les prolégomènes du roman graphique donnent le la : « En entrant à l’usine… Bien sûr j’imaginais l’odeur, le froid, le transport de charges lourdes, la pénibilité, les conditions de travail, la chaîne, l’esclavage moderne. Je n’y allais pas pour faire un reportage. Encore moins préparer la révolution… Non. Parce que mon épouse en a marre de me voir traîner dans le canapé en attente d’une embauche. Alors c’est l’agroalimentaire. L’agro comme ils disent. Une usine bretonne de production et de transformation et de cuisson…et de tout ça…de poissons et de crevettes. Je n’y vais pas pour écrire. Mais pour les sous ».
Les séquences graphiques, à la fois sobres et efficaces (voir l’épouvantable séquence présentant Ponthus revêtu d’un uniforme de poilu et se frayant un passage à travers une jungle de boyaux) s’enchaînent comme celles des phrases de l’auteur de A la ligne.
Plus encore, le dessin de Julien Martinière ne fait pas qu’accompagner le texte haletant de Ponthus : il l’interprète et donne ainsi un relief supplémentaire à son œuvre.
Un très bel ouvrage dont on ne peut que recommander la lecture !