Dans son nouvel opus, Reporters sans frontières offre cent images du photojournaliste Abbas.
Abbas Attar est né en 1944 au Baloutchistan iranien et est décédé à Paris en 2018. En 1952, il émigre avec sa famille en Algérie. A 18 ans, il devient journaliste de sport pour le quotidien Le Peuple. Il poursuit ses études en Angleterre et, à 24 ans, il part pour les États-Unis où il réalise à la Nouvelle-Orléans, selon ses propres mots, son « premier essai photographique ».
Abbas couvre ensuite le Viêt-Nam (p.40 à 45) et la révolution iranienne de 1979 (p.46 à 67). Il prend des clichés des pro-Shah comme des pro-Khomeiny. Certaines photographies prennent une dimension quasi prophétique, à l’instar de celle d’un mollah tendant un revolver à destination de l’objectif qui le saisit en 1979 (p.62-63). Abbas va sillonner le monde avec notamment une très belle série sur le Mexique et surtout un travail débuté en 1991 et qui concerne les religions. Une succession assez extraordinaire d’images est ainsi proposée dans l’album (p.72 à 105).
Abbas avait défini son modus operandi comme étant un « moment suspendu ». Il dit ainsi (p.9) que son « travail de photographe est une réflexion qui prend vie dans l’action et conduit à la méditation. La spontanéité, le moment suspendu, intervient au cours de l’action, dans le viseur. Elle est précédée par une réflexion sur le sujet et suivie par une méditation sur la finalité, et c’est là, dans ce moment exaltant et fragile, que la véritable écriture photographique commence : le séquencement des images ». C’est devant le tableau de Rembrandt « Le Syndic de la guilde des drapiers » que le photographe aurait défini ce style qui le caractérise.
Outre les séries déjà évoquée, on relèvera, parmi la superbe production d’Abbas, un cliché (p.15) pris en Afghanistan en 1992, d’une dimension surréaliste et figurant un moudjahid assis sur un lit superposé métallique en plein milieu de « nulle part » ; une photographie datant de 1983 prise au Chili dans le cadre du dixième anniversaire du coup d’état de Pinochet et sur laquelle les soldats à la parade ont l’air de sinistres pantins ou encore l’iconique image de la couverture de ce tome de RSF qui dénonce l’idéologie raciste du régime Sud Africain durant l’apartheid.
Comme pour chacune de ses livraisons, RSF établit la liste des prédateurs de la liberté de la presse, triste liste dans laquelle figure en bonne place le dirigeant du Cameroun, Paul Biya.
Le numéro se termine sur le courage de femmes et d’hommes luttant pour la liberté de la presse à l’instar du site d’information ukrainien Slidstvo, de la journaliste iranienne Narges Mohammadi, de la journaliste égyptienne Lina Attalah et de l’avocate russe Galina Arapova.
Grégoire Masson