Quelles sources ?
L’auteur s’est appuyé évidemment sur les archives, avec notamment des documents extraits du Service Historique de l’armée de terre. Il a aussi choisi d’utiliser d’autres ressources comme des extraits de romans. On lit donc, au fil des pages, des extraits de Roland Dorgelès ou de Louis Barthas. Jean-Jacques Dupuich a pris le parti également d’ inclure des photographies publiées dans le journal de propagande « Le Miroir ». Il faut dire clairement qu’il s’agit d’un ouvrage très spécialisé. Le luxe de détails peut décontenancer et on n’est pas dans la synthèse. C’est clairement la limite ou le charme de cet ouvrage. La forme de l’abécédaire conduit aussi à la fragmentation. Une bibliographie complète l’ensemble. Un certain nombre de tableaux statistiques agrémentent le livre. Des renvois existent aussi entre les articles.
Administrer, une ardente obligation
Jean-Jacques Dupuich choisit donc d’aborder le quotidien des soldats sous l’angle de l’approvisionnement. Plusieurs points sont abordés, aussi bien au niveau administratif qu’au niveau du quotidien. Les colis représentaient un élément essentiel pour les soldats comme plusieurs extraits de romans en témoignent. On apprendra aussi de nombreux détails sur le conditionnement, de la boite individuelle au wagon réservoir. Un article explicite par exemple le fonctionnement et l’importance des cuisines roulantes. Les points les plus pratiques sont abordés car l’auteur précise : » l’utilisation d’une cuisine roulante donne droit pour un effectif de 110 hommes àune allocation forfaitaire journalière de 90 kilos de bois ». D’autres articles complètent cette approche de la logistique comme celui intitulé « ravitaillement « .
Le quotidien du soldat
Au-delà de cette approche administrative, plusieurs articles sont consacrés à la question des aliments. De longues pages sont consacrées au vin. Autre exemple avec l’inspection générale du ravitaillement qui en 1917 demande la suspension des envois de beurre aux armées par suite de la situation du marché des Halles. On découvrira peut-être que la viande de cheval a pu, au début de la guerre, être distribuée en remplacement des viandes traditionnelles. On apprendra de l’argot de la guerre avec le pain « kk ». Le surnom vient de la Cacanie, c’est-à-dire le surnom de l’empire austro hongrois, écrit à partir de ses initiales (Kaiserlich-Königliche Monarchie). Cela désigne un pain dont on ne sait pas de quoi il est réellement fait.
Plus surprenant apparaît l’article sur le soja : en 1915, on trouve trace d’un compte-rendu sur son utilisation possible dans l’armée : potage au soja, purée de soja et mélange avec le riz. Le document précise que le soja était plutôt bien vu par les soldats.
Des noms connus
Au fil des articles de l’abécédaire, on relèvera aussi des noms connus comme Heudebert, Kub, Liebig ou encore Maggi. Même si Liebig était un chimiste allemand, il faisait autorité pour ses travaux sur l’alimentation. On fit aussi un grand usage de ses tablettes de bouillon sans que la nationalité posa un quelconque problème. Le bouillon Kub a lui été lancé en 1912 par la firme Maggi. Celle-ci ayant pu justifier de son côté français, et non suisse, le marché lui était ouvert. Jean-Jacques Dupuisch cite néanmoins un extrait hallucinant de la Libre parole en 1915 où on accuse les kiosques Maggi-Kub très visibles dans la nuit de servir de repères aux zeppelins ! »
Voici donc clairement un livre spécialisé, à réserver sans doute aux passionnés du sujet. On peut relever ici et là des extraits qui seront autant d’anecdotes pour évoquer le quotidien des soldats.
© Jean-Pierre Costille, Clionautes.