Comme il est précisé dans une introduction extrêmement riche et quasi exhaustive, cet ouvrage présente une partie des résultats de la recherche menée sur les inégalités liées aux différences des espaces de vie des adolescents en France dans le cadre du programme INEDUC (Inégalités éducatives et construction des parcours des 11-15 ans dans leurs espaces de vie). Ce programme de recherche en sciences humaines et sociales a associé une quinzaine de chercheurs, géographes, sociologues, spécialistes des sciences de l’éducation et des sciences de l’information et de la communication venus de plusieurs laboratoires.

            L’objectif de cette étude était de savoir si les espaces de vie pouvaient peser sur l’éducation des adolescents et s’ils pouvaient créer des inégalités d’éducation. L’originalité de ce travail de recherche est d’étudier les inégalités éducatives (diversité des situations individuelles en termes de diplômes, de revenus, de patrimoine, d’origine ethnique et/ou sociale…) dans leur dimension spatiale. Il s’agit donc de savoir si la distribution des équipements-ressources (culturels, éducatifs, sportifs, spot Internet), la distance physique de ces équipements pour les populations et les contraintes physiques liées aux mobilités nécessaires pour y accéder, ainsi que les caractéristiques familiales, les milieux sociaux locaux et les politiques d’éducation mises en œuvre peuvent influer sur les inégalités éducatives des adolescents de 14-15 ans, issus de 36 collèges d’Aquitaine, de Bretagne et de Basse-Normandie.

            L’ouvrage rassemble ainsi cinq articles abordant chacun un angle spécifique de l’étude entreprise. Patrick Lecaplain, sociologue, traite des liens entre les inégalités éducatives et les inégalités socio-spatiales. Régis Keerle, géographe, étudie l’impact des politiques publiques sur les inégalités éducatives. Christophe Guibert, sociologue, interroge les pratiques culturelles et les mobilités touristiques des adolescents ciblés. Agnès Grimault-Leprince, sociologue, Pascal Plantard et Rozenn Rouillard, spécialistes en sciences de l’éducation analysent les usages numériques des jeunes collégiens et leur influence sur leur scolarité (niveau scolaire).

            La délicate mission de conclure l’ouvrage a été laissée à Jean-François Thémines, géographe. Il souligne la difficulté de travailler sur les inégalités éducatives chez les adolescents. Il reprend point par point ce qui a pu être démontré par les différents auteurs montrant que les inégalités éducatives sont liées à la fois à la dimension physique de l’espace, les politiques publiques, les dimensions géographiques et sociales de l’espace. Si ces conclusions sonnent comme des évidences, malgré tout, Jean-François Thémines questionne la notion de « justice spatiale » (Harvey, Lévy, Lussault). Il insiste sur trois facteurs qui doivent être retenus et conscientisés par les pouvoirs publics : la répartition des ressources éducatives spatialisées, l’accessibilité à ces ressources et les modalités d’intervention sur les injustices relatives à leurs usages.

            « Appliquer ce principe de justice suppose, au plan procédural, d’imaginer un droit à une certaine fréquentation des équipements, à une certaine capacité de bénéficier de l’usage d’un local permettant d’inviter ses amis. […] Fonder un droit au transport des adolescents […] pourrait même conduire à reconnaître l’existence d’une sphère de justice spécifique. » (p.138)… Un joli programme pour une campagne électorale d’élus locaux !