CR de Catherine DIDIER – FEVRE, professeure au collège du Gâtinais en Bourgogne à Saint Valérien.

Rien de telle que la semaine du développement durable pour fédérer les bonnes volontés au service de la planète. C’est ainsi que j’ai accepté de prendre en charge la recension de ce DVD très citoyen édité par Artis (boîte de production située à Aubenas). La participation d’un Clionaute (Frédéric Fesquet) au tournage a achevé de me convaincre de l’utilité de l’œuvre.

Musicien, comédien, Marc Khanne réalise des documentaires et des courts métrages depuis 1991. Le film Aigoual la forêt retrouvée existe en version courte, destinée aux scolaires sous le titre Fabre et Flahault, les reboiseurs de l’Aigoual (52 minutes). Des extraits et bande annonce sont disponibles à l’adresse suivante sur le site de Marc Khanne : http://marckhanne.free.fr/Aigoual.htm Vous pourrez y trouver des renseignements sur les autres travaux de Marc Khanne, notamment Drôles d’accents, un documentaire sur les accents régionaux ou bien encore La plage des volontaires, qui traite du travail des bénévoles pendant la marée noire du Prestige en 2002.

Frédéric Fesquet, Clionaute, est l’historien du film Aigoual la forêt retrouvée. Les lecteurs assidus du Labo auront reconnu l’auteur du Labo rencontre N°4, mars 2008 (http://www.clionautes.org/revue/2008_2/Le_Labo_4_joutard.pdf ). Il y présentait le travail de Philippe Joutard, historien des Cévennes, notamment. Frédéric Fesquet est l’auteur de L’Aigoual forestier. Histoire d’une reconquête 1860 – 1914. 2007. Vous trouverez sur son site http://pagesperso-orange.fr/frederic.fesquet/ la présentation de ces travaux.

La réalisation de ce docu-fiction a été rendue possible grâce au soutien de dix partenaires : Parc National des Cévennes, Programme européen Leader +, Ministère de l’Enseignement supérieur, des collectivités territoriales et des entreprises privées (des PME, essentiellement). De plus, le film Aigoual la forêt retrouvée doit beaucoup à la collaboration active et bénévole des habitants à titre de figurants ou d’acteurs. L’ensemble est tourné en décors naturels.

Moins connue que la politique de reboisement menée dans les Landes, ce film permet de comprendre celle menée dans les Cévennes pour répondre à une situation d’urgence. La région a abrité au XIXème siècle le premier exemple d’une gestion selon le principe du développement durable. Dès la mi-XIXème siècle, la forêt de l’Aigoual, dans le massif des Cévennes, est victime du défrichement. Ce dernier est le fruit des actions conjuguées de l’extension des pâturages et des coupes de bois qui alimentent les premières usines de la Révolution Industrielle. Cette déforestation est responsable d’une érosion accélérée (on désigne alors les Cévennes comme des montagnes pelées). Cette érosion provoque de manière récurrente des inondations ravageuses dans les vallées lors des célèbres pluies cévenoles. En 1860, l’empereur Napoléon III, dans son programme de paix, réserve une mesure d’aménagement agricole. Celle-ci vise à reboiser les versants dénudés. L’application de cette loi se heurte aux résistances des bergers qui refusent le reboisement des communaux.

C’est dans ce contexte que Georges Fabre, issu de Polytechnique, major de sa promotion à l’école forestière de Nancy, choisit de se faire muter en Lozère en tant que garde général. La tâche n’est pas facile. Il faut à la fois convaincre les habitants de l’utilité du reboisement mais aussi trouver les essences arbustives qui résisteront à la fois aux sécheresses estivales et au froid hivernal. Pour cela, Fabre passe une licence de géologie, voyage beaucoup. La mise en place de la IIIème République ne facilite pas l’action du forestier puisqu’elle crée, dans le cadre de la loi RTM (Restauration des Terrains de Montagnes) la notion de danger né et actuel qui seule peut justifier l’expropriation de terres afin d’y mener un reboisement forcé. Les agriculteurs profitent du recul du pouvoir des forestiers et engagent un mouvement massif de gazonnement.

Il faudra le génie de Fabre pour venir à bout de ces résistances.

La plupart des pâturages n’appartiennent pas aux agriculteurs pastoraux mais à des propriétaires urbains absents. Fabre propose de leur racheter au prix fort. Ils acceptent. Mais, ce n’est pas le seul élément qui va lui permettre de réussir le reboisement de 10 000 ha. Il lui faut trouver des fonds pour le mener à bien. En prouvant que l’érosion de l’Aigoual est responsable d’une partie de l’ensablement du port de Bordeaux, il décide Paris d’investir. Pour achever la réussite de son projet, il embauche les habitants afin qu’ils participent eux-mêmes au reboisement et à l’aménagement du massif (construction de routes). La région passe d’une économie pastorale à une économie forestière. Cette action n’empêche pas l’exode rural. Entre 1856 et 1911, la région perd 30% de sa population.

L’entrée en scène de Charles Flahault est plus tardive. Botaniste, il est appelé par Fabre en 1894 pour résoudre un problème auquel ce dernier ne trouve pas de solution : reboiser l’hort de Dieu, un versant rocheux situé plein sud. Le montpelliérain s’installe sur place et va mener lui-même cette opération.

Aujourd’hui, grâce à l’action de ces deux hommes, les Cévennes et le massif de l’Aigoual sont devenus un espace attractif et dynamique : exploitation forestière raisonnée, tourisme vert, tourisme blanc. Paradoxalement, les hommes du XXIème siècle doivent, aujourd’hui, lutter contre la colonisation des pâturages par la forêt. Le recours aux troupeaux de brebis est nécessaire. Depuis 1985, le massif est classé Réserve mondiale de la biosphère par l’UNESCO. Face au réchauffement climatique en cours, la question de la remontée des espèces inquiète. L’observatoire construit par Fabre au sommet de l’Aigoual, en service depuis 1894, enregistre des relevés de température assez alarmants depuis quelques années. Les météorologues ne peuvent que remarquer les divergences avec les relevés anciens et se posent beaucoup de questions.

L’exemple de l’histoire du Massif de l’Aigoual permet de méditer sur les impacts de l’action des hommes sur le milieu. L’initiative de ces deux hommes dont le film raconte l’histoire montre aussi que rien n’est irréversible et que, à force d’efforts, on peut faire bouger des montagnes. Espérons que le XXIème siècle aura ses hommes et ses femmes qui sauront trouver des alternatives durables à notre mode de développement.

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Pour en savoir plus :
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