Ce manuel de 1er Cycle est une proposition collective, résultat de la collaboration de 30 contributeurs. Il est dirigé par Simon DUFOUR, maître de conférence en Géographie à l’Université Rennes 2 et Laurent LESPEZ, professeur de Géographie à l’université Paris Est-Créteil.

Des définitions entre polysémie, flou et ambiguïté

Trois termes importants sont d’abord définis dans l’introduction : environnement, Anthropocène et nature. Le terme environnement est clairement polysémique, voire ambiguë. On peut le confondre avec le milieu.  Sa définition serait « l’ensemble des conditions physiques, chimiques, biologiques et sociales dans lesquelles un individu ou un groupe individus se développent ». En tant qu’objet d’analyse, l’environnement est également « une forme de problématisation du rapport d’une société à la nature qu’il l’entoure ». Les débats sont aussi vifs sur le terme d’Anthropocène. Il s’agirait d’une nouvelle ère caractérisée par l’influence majeure de l’espèce humaine sur le système Terre. 80% de la surface terrestre serait en effet directement impactée par les activités humaines. En réaction, 13% de la surface des continents relève aujourd’hui d’un espace de protection de la nature. Le concept d’Anthropocène invite donc à repenser la notion de nature. Elle est « à la fois autonome et socialement construite, à la fois matérielle et idéelle ». Surtout, elle ne peut plus être envisagée sans les conséquences directes ou indirectes de l’action de l’humanité sur notre planète. Comprendre et agir sur l’environnement à l’ère de l’Anthropocène nécessite donc de prendre en compte conjointement les dimensions physico-chimiques, les dimensions biologiques et les dimensions sociales qui s’enchevêtrent les unes avec les autres, mais aussi les relations spatiales qui peuvent intervenir entre différents niveaux d’échelles et qui peuvent se traduire par une différenciation de l’espace.

Quelles géographies pour étudier  l’environnement ?

« Dans ce grand bain des recherches sur l’environnement, la géographie témoigne d’une position ambiguë, enviable et fragile ». Enviable, car elle dispose, traditionnellement,  d’un corpus de concepts et de pratiques à même de comprendre l’Anthropocène. Fragile, car elle est encore parcourue de débats internes. Son pôle biophysique (géographie physique ou biophysique) se base sur des approches empiriques où le terrain occupe une large place et qui combinent observations, mesures, analyses de laboratoire et modélisation de processus. Son pôle social (géographie de l’environnement) s’appuie sur l’idée que le réel existe avant tout dans l’esprit qui l’organise, parfois dans une visée politique. « L’objectif de cet ouvrage est de présenter la contribution des approches naturalistes à la géographie de l’environnement. […] Il est une proposition complémentaire aux manuels de géographie de l’environnement optant pour une entrée plus sociale ou thématique et aux manuels développant les branches de géographie physique (géomorphologie, climatologie,…). […] Il présente des approches naturalistes en géographie ayant intégrées les dimensions sociales qui interagissent en permanence avec les composantes biophysiques de l’environnement ».

Positions, concepts, méthodes, objets d’une Géographie de l’environnement

Les deux premières parties intéresseront davantage les chercheurs et les étudiants. La première partie  (Positions et Concepts) est une réflexion épistémologique sur la nature des milieux et la dimension biophysique de l’environnement. Le concept d’anthropisation semble ici essentiel, tant les activités humaines jouent un rôle de plus en plus important dans le façonnement de l’environnement. Les questionnements classiques de la géographie autour des notions de paysage, de ressource, de contrainte et de risque ont ici toute leur place. La question des interactions entre la nature et les sociétés peuvent alors être illustrées par des géo-systèmes, de plus en plus hybrides. La deuxième partie (Méthodes) traite davantage des pratiques méthodologiques nécessaires à la production de données biophysiques. Les deux parties suivantes (Trajectoires et Objets) peuvent fournir les bases d’études de cas, notamment au lycée, pour les enseignants de Géographie. Elles présentent des exemples de trajectoires de géo-systèmes en intégrant une démarche géo-historique et/ou géo-archéologique. L’étude de la construction de l’aléa (torrentiel) et de l’incertitude face aux cours d’eau de montagne et de piémont illustre ainsi les évolutions des représentations sociales du risque et ses conséquences spatiales. Plusieurs thèmes environnementaux sont aussi abordés en lien avec le réchauffement climatique et ses effets sur l’environnement (exemple du permafrost de montagne).

Expertiser et enseigner

Enfin, la dernière partie est consacrée au métier de géographe biophysicien et ses évolutions. Il doit par exemple être capable de proposer des options en matière de gestion de l’érosion littorale, véritables outils de décision pour les politiques. L’expertise géomorphologique s’imposera d’autant plus que l’offre universitaire (mais aussi ante-universitaire) permettra de former des étudiants capables d’interagir dans un débat, de dialoguer avec les autres disciplines scientifiques et les acteurs d’un territoire pour établir des diagnostics et des scenarii précis.

Une place renouvelée de la Géographie face aux questions environnementales ?

Au final, ce manuel rend compte des transformations progressives de la géographie biophysique en plein renouvellement de ses objets, ses méthodes et ses pratiques. Conscients que la nature contemporaine est un hybride, les géographes biophysiciens ne peuvent plus étudier les processus biophysiques comme extérieurs aux pratiques humaines et à leurs conséquences cumulées dans un temps long. L’affirmation des questions environnementales devraient encore davantage stimuler le développement de cette géographie de l’environnement, qui se veut plus politique et plus engagée.

 

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